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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 117.djvu/842

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jusqu’à treize parties, n’est pas de la force de M. Steinitz. M. Bird, joueur anglais, qui depuis plus de quarante ans tient tête d’une manière honorable aux plus célèbres joueurs, n’a jamais fait ou laissé publier une partie sans voir. M. Gunsberg, qui a joué vingt-quatre parties à la fois contre de très forts adversaires en moins de deux heures, les trois cents premiers coups occupant trente minutes, et qui dans ces circonstances a gagné presque toutes les parties d’une manière correcte et souvent brillante, est loin de conserver les mêmes qualités dans le jeu sans voir.

Ainsi se trouve éclaircie une question importante. Il y a certainement, dans la plupart des cas, une coïncidence entre la mémoire nécessaire pour le jeu d’échecs, et la puissance de combinaisons ; la plupart des forts joueurs peuvent jouer sans voir ; mais cette relation entre les deux facultés n’est point nécessaire ; la règle posée offre, nous l’avons montré, de nombreuses exceptions ; et en outre, il n’existe aucune relation proportionnelle entre le nombre des parties jouées sans voir et la force de calcul. Cette dernière observation, la plus importante de toutes, montre combien on aurait tort de chercher en psychologie à établir dans les relations des diverses facultés la rigueur des proportions mathématiques.


III.

Nous avons assisté à plusieurs séances de jeu sans voir ; M. Rosenthal a donné, le 23 février de cette année, une séance de huit parties, au Grand Cercle des échecs de Paris ; et plus récemment, le 26 mars, M. Goetz a donné au Cercle artistique de la rue Volney une séance de dix parties. Voici comment ces séances sont arrangées. Le fort joueur est assis loin des échiquiers. Une personne de bonne volonté, sorte de maître de cérémonies, va d’un échiquier à l’autre, et dit au joueur : « l’échiquier numéro 1 joue tel coup ; que répondez-vous ? » La réponse donnée, on passe à l’échiquier numéro 2, on recommence la question et la réponse, et ainsi de suite pour toute la série des échiquiers ; puis on revient au numéro 1. Jouer simultanément plusieurs parties consiste donc à passer successivement à chaque coup d’une partie à l’autre. Pour rappeler au joueur la position qu’il a laissée sur chaque échiquier, on lui donne deux indications, le numéro de l’échiquier et le dernier coup de l’adversaire.

C’est dans cet ordre que se passent les séances ; il faut cependant noter que certains joueurs prennent la liberté de crayonner les noms de leurs adversaires avec le numéro des échiquiers, et même les noms des ouvertures, et que cette liste, qu’ils consultent souvent, leur sert à ne pas confondre les parties simultanées : c’est