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Reichstag de 1887 arriva au terme de ses jours. Le Reichstag de 1890, — celui qui vient d’être dissous, — était à peine né que l’empereur, en lui souhaitant la bienvenue, ajoutait :

« On ne saurait tarder plus longtemps à augmenter l’effectif de présence en temps de paix, ainsi que l’effectif des corps de troupe et, en particulier, de l’artillerie de campagne. Vous serez saisis d’un projet de loi portant que l’augmentation nécessaire de l’armée sera réalisée le 1er octobre de cette année. »

L’augmentation projetée devait être de 18,574 hommes, soit, au budget des dépenses, de 18 millions de marks. L’armée allemande atteindrait de la sorte un effectif réel de 486,983 hommes. Un grand changement s’était produit dans la vie de l’empire ; M. de Bismarck était allé, sous les sapins de Friedrichsruhe, se reposer des fatigues de l’Allemagne et de l’Europe. M. de Caprivi l’avait remplacé à la chancellerie. Mais, si ce n’était plus le même ton, c’était pourtant le même discours. Ces 18 millions, il les fallait tout de suite et le gouvernement ne s’engageait à rien pour 1894, quand expirerait le septennat. Les protestations redoublèrent. M. Windthorst se résignait à voter « le cœur saignant » et platoniquement recommandait, pour la paix, l’arbitrage plutôt que les armemens à outrance. M. Richter et M. Bebel ne se lassaient pas d’opposer l’antistrophe à la strophe guerrière de M. de Caprivi. Mais le chef du chœur, le chorège et le stratège, était M. de Moltke. Il descendait, enveloppé de sa gloire, de la haute cime où ses victoires l’avaient placé ; il sortait du silence pour dire le bonheur des peuples qui ont un gouvernement fort.

Déjà, dans le Reichstag, s’ébauchait le groupement nouveau des partis ; on voyait poindre le germe des dissensions futures. M. Rickert, M. Haenel, parmi les progressistes, préparaient ou laissaient prévoir leur prochaine évolution. M. Bebel n’était pas seul à reprocher à M. de Huene, membre très influent du centre, de se conduire beaucoup plus « en ancien major » qu’en député soucieux de son mandat. Et l’on pouvait soutenir déjà que M. de Caprivi imitait à l’excès M. de Bismarck.


Ne croyez pas que cela fasse plaisir au gouvernement, disait-il, le 24 juin 1890, de demander des hommes et de l’argent, mais c’est son devoir. Si nous vous disons que ces sacrifices sont nécessaires, vous auriez tort de ne pas nous aider. Je ne veux pas dire où nous en arriverions dans le cas contraire. Je veux vous dire qu’au point de vue extérieur, il serait déplorable que nous ayons entre nous un conflit pour une question d’armement national. Il faut qu’on sache au dehors que, lorsqu’il s’agit de guerre, toute la nation marche ensemble.