Jusque dans ces derniers temps, l’Angleterre s’est vue si peu molestée en Égypte par ceux qui ont le plus d’intérêt à l’en voir sortir, qu’il est permis de craindre, pour peu que les événemens s’y prêtent, qu’elle ne caresse l’espoir d’y perpétuer son intrusion. Un fait si monstrueux se produirait-il, qu’il n’est pas nécessaire d’être grand prophète pour prédire ce que, en cas d’une rupture avec la Grande-Bretagne, deviendraient pour l’Espagne les îles Philippines ; pour la Hollande les Indes néerlandaises ; pour l’Italie les établissemens de la Mer-Rouge ; pour la France, Obock, Madagascar, la Réunion, les Comorres, et le jeune empire qu’elle s’efforce d’édifier en extrême Orient. Ce serait la ruine pour plus d’une métropole ; or que faudrait-il pour qu’un tel désastre se produisît ? Un tour de clé aux portes du canal de Suez par ceux qui s’en constituent les uniques gardiens.
Gibraltar, vieille place forte espagnole, devenue pour jamais anglaise ; les îles de Malte et de Chypre, enlevées de gré ou de force à leurs légitimes possesseurs, justifient, et au-delà, nos appréhensions. Le flegmatique sans-gêne des Anglo-Saxons peut encore leur réussir. Encouragés par l’indifférence avec laquelle les nations d’Europe leur laissent la faculté d’obstruer le canal de Suez à leur heure et à leur guise, ils songent depuis quelque temps à s’insinuer au Maroc.