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plusieurs des nôtres, tandis que vous nous parliez de trêve pour parvenir à la paix. Quelques-uns de ces vaisseaux ont déjà payé leur mauvaise foi, et quand les autres iront en mer, nous ne doutons pas que le Dieu tout-puissant ne les laisse tomber entre nos mains.

« Je prie Votre Majesté de m’honorer d’une prompte réponse, car je ne compte pas rester longtemps devant Salé. »

Pendant de longues années, entre l’Angleterre et le Maroc, les traités succédèrent aux ruptures et les ruptures aux traités. En somme, si la première ne paya jamais de tribut aux Marocains, elle fut par la suite très prodigue de dons de toute sorte ; de 1787 à 1814, elle leur fournit en subsides seulement, pour une valeur de seize mille cent soixante-dix-sept livres sterling, soit près d’un demi-million de francs.

Disons en passant que c’est de Gibraltar qu’Abd-el-Kader tirait ses poudres et ses armes pour combattre nos soldats, et qu’après le bombardement de Tanger et de Mogador par une flotte française que commandait le prince de Joinville, les Anglais s’empressèrent de fournir au sultan MuIey-Abd-er-Rhamman des ingénieurs pour en relever les fortifications. De bons alliés ne l’eussent pas fait ; mais il serait puéril de s’en étonner. Est-ce que les représentans des maisons de Birmingham à Hong-Kong ne vendaient pas des munitions de guerre aux Célestes au moment où des flottes anglaises bombardaient les ports chinois ? Tout en recevant journellement des injures des Marocains, les Anglais ne leur en vendaient pas moins des gros draps, des serges, des toiles, de l’étain, du plomb, du fer et des merceries ; en échange, ils en tiraient des gommes, des huiles, des cires, des dents d’éléphant, des cuirs en poil et des laines ; ils y trouvaient aussi des mules pour leurs colonies de l’Amérique du Nord.


IV.

Dès 1577, un consul français s’établit au Maroc. Un traité de commerce fut conclu avec la France sous Louis XIV en 1699. Un peu avant, en 1684, si on se le rappelle, nous avions eu des rapports d’une nature peu cordiale, car ils avaient pour objet le rachat de captifs. Nous avons raconté ce qu’il advint à un envoyé du cardinal. Au commencement du XVIIIe siècle, nous avions des colonies et une marine marchande en voie de développement. Nos consuls avaient fait bonne figure au Moghreb jusqu’au jour où le néfaste duc d’Orléans, régent de France, sacrifiant le consulat