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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 117.djvu/957

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four, avait déjà fait entendre, le mois précédent, aux orangistes de ces parages. Pour diriger la résistance contre le home-rule, les conservateurs de l’Ulster se préparent à élire une sorte de parlement privé, lequel nommera dans son sein un conseil exécutif, chargé de « prendre les mesures que pourront requérir les événemens. »

Et dès à présent les adversaires du bill ne dissimulent pas quelles pourraient être ces mesures. Ce ne serait plus à coups d’épingle, ou par des plaisanteries plus ou moins humoristiques, comme celles dont M. Labouchère a été depuis quelque temps la victime de la part d’un « ami inconnu, » qui a envoyé chez le leader radical, « pour emporter son cadavre, » un cercueil, des croque-morts et un corbillard, que l’on entretiendrait la lutte. Il se trouve à Londres des gens sérieux pour affirmer que le home-rule, même voté, ne pourrait être mis à exécution, parce que l’armée n’obéirait pas, que ses chefs lui donneraient l’exemple de l’insoumission, avec l’assentiment tacite de la reine, et l’on désigne même, dans les garden-parties de la saison, quelques-uns des futurs colonels de « l’armée de la rébellion. »

De pareils propos dénotent l’état d’esprit où se complaisent les centres d’opposition en Angleterre. Il importe peu de se demander quant à présent ce qu’il adviendrait du home-rule, le jour où il aurait reçu force de loi, mais bien de savoir s’il arrivera jamais à porter un numéro parmi les Acts du règne de Victoria. C’est là ce qui paraît improbable, si l’on envisage la longue enfilade des barrières que le projet actuel a encore à franchir. Chacune l’arrêtera assez longtemps pour que ce bill, dont le résultat le plus clair a été jusqu’à présent de modifier de fond en comble la politique intérieure de l’Angleterre, faisant vire-volter les anciens partis et en édifiant de nouveaux, reste peut-être à l’état d’ébauche. Six cents amendemens environ ont été déposés par les conservateurs ; la plupart seront défendus avec conscience. Aussi, depuis cinq semaines que la délibération se poursuit, n’a-t-il été voté encore que trois articles de la loi. Comme elle en compte quarante, plus, sept clauses complémentaires, M. Gladstone aura besoin de toute son expérience et de sa dextérité pour arriver à la troisième lecture du projet de loi durant la session actuelle. Sa tactique et celle de ses partisans consistent à ne pas répondre aux unionistes. Il a déclaré dès le début que le gouvernement ne prendrait part à la discussion que lorsqu’il le jugerait convenable : « Nous ne nous laisserons pas attirer, a-t-il dit, dans le piège tendu par mon très honorable ami (M. Chamberlain). Nous nous tairons ou nous parlerons selon notre jugement et non selon celui de mon très honorable ami, et, en revendiquant cette très raisonnable liberté de faire notre choix, je crois que nous prenons le meilleur moyen de faire notre devoir envers le pays. »

Que la loi d’ailleurs passe quelques jours plus tôt ou plus tard, cela