Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 118.djvu/112

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

soumettre les plantes ou l’animal à une pression atmosphérique supérieure à la normale, ou bien les faire vivre dans un air artificiel, où la proportion d’oxygène aura été accrue. Dans les deux cas, les phénomènes sont les mêmes et la mort survient bientôt. La cause de ce fait n’est pas encore connue pour les végétaux, mais Paul Bert a montré que les animaux meurent dans une atmosphère suroxygénée, dès que leur sang renferme un tiers en plus de la proportion normale d’oxygène, parce que, en présence de cette atmosphère, l’hémoglobine du sang est saturée d’oxygène, — ce qui n’arrive jamais à l’état normal, — et que, dès lors, une partie de ce gaz se dissout dans le sang même, dans son sérum liquide. Cet oxygène contenu dans le sérum est cause de tout le mal : les tissus sont mis en contact avec l’oxygène dissous, libre, non combiné, et il les tue. C’est ici le comment du phénomène ; le pourquoi nous échappe encore. Relevons seulement le fait que les tissus ne supportent point l’oxygène libre, et ne le prennent et ne l’utilisent qu’en l’empruntant aux globules rouges dans lesquels il se trouve à l’état de combinaison avec l’hémoglobine. En un mot, ils respirent indirectement et ne tolèrent point que le gaz leur soit fourni directement.

Ceci n’empêche pas que l’oxygène ne soit un agent thérapeutique puissant : comme tous les poisons, il a ses doses bienfaisantes, et entre la dose où il se rencontre normalement dans le sang, et celle où il commence à devenir nuisible, il y a des proportions salutaires.

Cette toxicité de l’oxygène surabondant est assurément un des faits les plus curieux que les récentes années nous aient fourni, et il est si net, si caractérisé que nul doute ne saurait être élevé à son égard.

D’un autre côté, il serait absolument inexact de dire que là où il n’y a pas d’oxygène, il ne peut y avoir de vie. Les recherches de Pasteur ont montré que si certains microbes ne peuvent vivre qu’en présence de l’air et de l’oxygène, d’autres, qu’il a nommés anaérobies, vivent mieux à l’abri de l’air. C’est le cas des microorganismes qui déterminent les fermentations. Ils ne produisent celles-ci que s’ils sont dans un milieu privé d’oxygène, et M. Pasteur a pu dire avec raison que la fermentation est une conséquence de la vie sans air. Que se passe-t-il donc dans un milieu en fermentation ? Un microbe particulier, — chaque fermentation est due à un microbe spécial, — un microbe particulier transporté par l’air ou l’eau, ou volontairement introduit, a vécu quelque temps dans ce milieu aux dépens de l’oxygène qui s’y trouvait. Puis l’oxygène est venu à manquer, le microbe ayant tout consommé. Pourtant le milieu renferme encore de l’oxygène, non plus à l’état libre, mais