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des bourgeois dans les terres des seigneurs, soumet la justice des barons comtois à celle de son parlement de Dole, assiège l’archevêque de Besançon, Guillaume de Vergy, qui l’avait excommunié et lui contestait le droit de frapper monnaie à Auxonne, abat les forteresses de Jean de Chalon-Arlay. Ayant trouvé dans son duché de Bourgogne l’institution des États, il l’introduit en Comté, et par elle le tiers prend place à côté du clergé, de la noblesse. Jean sans Peur (1404-1419), prince non moins dépensier que son père et toujours endetté, recourt fréquemment aux États, les ménage parfois jusqu’à la timidité, les appelle même à sanctionner ses traités, ou bien, passant brusquement d’un extrême à l’autre, impose d’autorité les tailles dont il a besoin. Philippe, le bon duc aimé du peuple (1419-1467), proclamé par lui fondateur des libertés publiques, est (tant les hommes, les événemens se présentent sous des aspects compliqués) le signataire du fatal traité de Troyes, dispose du sort de la France, ajoute neuf provinces à ses États, résiste à l’empereur, refuse à plusieurs reprises le titre de roi et la couronne impériale. Ses ministres, ses chanceliers, ses magistrats, ses premiers présidens, il les recrute dans la bourgeoisie, parmi ces juristes, qui, selon l’expression de M. Clerc, sont l’âme, la force, la tête de la classe moyenne, grâce auxquels une justice plus exacte, un peu de démocratie se glissent dans les affaires. Bourgeois, ce Jean Germain, ce Peter Blandin, nommés chevaliers et dignitaires de la Toison d’or ; bourgeois, ces présidens de parlement qui s’appellent Antoine Castaing, Guillaume Leclerc, Jean et Guy Arménier, Gérard Plaine, Jean Jacquelin, Thomas Plaine, Jacques Gondran ; bourgeois, ce Raulin, fidèle chancelier du duc pendant quarante ans, chef de la justice dans tous ses États ; un âpre justicier qui frappe à la tête. Jean de Granson, sire de Pesmes, parent des Chalon, des Neuchâtel, des Vergy, des Toulongeon, ayant essayé en 1455 de soulever les seigneurs comtois, parce que le duc proposait un subside de deux francs par feu à lever dans leurs domaines, est pris les armes à la main, condamné à mort ; le duc l’eût peut-être gracié. Raulin fut inflexible, et par égard pour sa famille, on l’étouffa secrètement « entre deux coites de lit. » Bourgeois, le cardinal Jouffroy, né à Luxeuil, qui fit de si grandes choses pour et contre les papes, et ce Poupet, sorti d’une pauvre métairie des montagnes de Salins, qui lut gouverneur de l’archiduc Ferdinand, puis ambassadeur de Charles-Quint. Prince magnifique, obéré par ses dépenses de guerre, par le faste de sa cour, la plus brillante de l’Europe, Philippe le Bon, toujours à court d’argent, fait sans cesse appel aux États dont il consacre la puissance, auxquels il donne crédit pour combattre les exactions de ses officiers de finance, ces emprunts sans restitutions ou emprunts