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MM. Aublet, Rosset-Granger, Aimé Perret, Sain, Boutet de Monvel et quelques autres, on trouve plus d’aisance ou de souplesse que naguère. M. Firmin Girard lui-même s’efforce d’adoucir les minutieuses duretés de ses figurines photographiques et il y parvient quelquefois. M. Frappa, presque seul dans ce milieu fondant, résiste aux séductions de l’harmonie colorée et continue à découper ses figures à l’emporte-pièce avec une tranquillité bourgeoise, goguenarde et convaincue.

Avec un talent bien supérieur, M. Raffaelli, à sa façon, se défend aussi d’être un coloriste et un harmoniste, et la bizarrerie de ses procédés, dans lesquels les lois ordinaires de la perspective, linéaire ou aérienne, semblent systématiquement violées, ne laisse pas d’inquiéter sur l’avenir réservé à ses peintures, ou plutôt à ses crayonnemens et griffonnages, piqués, à l’aventure, de taches vives ou éclatantes. M. Raflaelli a un sens vif et juste, un peu caricatural, quelquefois ému et compatissant, des vulgarités de la vie parisienne. Il note, en particulier, avec une grande justesse, les allures des gens en marche, surtout les allures pesantes, fatiguées, endormies, déséquilibrées. Dans sa trop nombreuse exposition, plusieurs petites scènes, le Marchand d’habits, A votre santé, la Mère Bontemps, sont traitées avec esprit et la petite dimension des toiles excuse, jusqu’à un certain point, les incohérences et les insuffisances de l’exécution. Mais, lorsque les toiles s’agrandissent, il devient vraiment difficile d’accepter un pareil mépris pour les proportions des figures, la justesse des plans, la vérité des formes, et de prendre, pour de vrais tableaux, ces gribouillis noirâtres, mal éclairés par quelques lueurs rouges ou roses clairsemées, devant lesquels on éprouve d’abord une sensation de broussailles bouleversées et enchevêtrées par un récent orage qui les aurait remplies de poussières et de boue. Le tableau Sur le boulevard montre bien les qualités de M. Raffaelli et comme il se plaît à les gâter ou à les compromettre par les étrangetés de sa technique.

Les autres peintres de la vie moderne procèdent plus simplement. Il y a d’excellentes intentions, et mieux que des intentions, dans les deux toiles, encore un peu brouillées, mais d’un mouvement heureux de lumière et de couleur, la Musique de chambre et la Fin de séance, par M. Lucien Simon. Quelques-unes des études de M. Adolphe Binet : Avant le déjeuner, Dans le jardin, ne manquent pas d’un certain charme délicat dans l’analyse de la lumière. Il y a du mouvement et de la vie dans sa Mêlée (combat entre marins français et fantassins allemands), comme il y en a dans une Bagarre (émeutiers et sergens de ville) de M. Dinet ; mais, chez l’un comme chez l’autre, le dessin reste souvent mince et