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maigre, le modelé timide et sans largeur. MM. Goeneutte et Marius Michel ont la touche plus mâle et plus colorée, sans que leur talent semble pourtant se développer et se fortifier comme on l’eût espéré. M. La Touche, comme beaucoup de ses camarades, expose trop d’esquisses insignifiantes et vise trop de choses à, la fois ; cependant, dans son étude l’Agonie (une vieille femme couchée et mourante), il se montre à la fois observateur ému et peintre habile. Dans cette catégorie d’études en petites dimensions, de figures modernes dans des intérieurs ou même d’intérieurs sans figures, on peut citer encore celles de MM. Gassard, Guignet, Lobre, Jeanniot, Casas, Griveau, La Haye, Rusinol, etc.

Tout cela, en vérité, est d’ailleurs assez humble dans ses visées, et ne dénote pas de grands tempéramens, ni comme dessinateurs, ni comme coloristes. Ce n’est pas non plus dans les clair-obscuristes inféodés à M. Carrière que nous trouverons beaucoup de force, d’invention, ni d’originalité. Quelques-uns comme M. Berton, l’un des promoteurs du genre, et M. Tournés, ont de l’élégance et de la finesse dans leurs façons de présenter leurs figures vaporeuses ; ne cesseront-ils de tourner toujours timidement dans le même cercle, de répéter sans cesse les mêmes lueurs frisantes sur les mêmes nuques et sur les mêmes épaules ? La monotonie des procédés conventionnels chez le plus habile et le plus sensible de tous, M. Carrière, n’est pas moins fatigante et devient insipide lorsque ses toiles s’agrandissent pour ne laisser flotter, dans une masse de brouillards, que des fragmens épars et confus de têtes et de mains semblables à des débris anatomiques se décomposant dans une liqueur trouble. Il est fâcheux qu’un artiste de cette valeur s’obstine à ne pas montrer tout ce qu’il vaut, pour le plaisir d’être singulier. On ne nous fera jamais croire qu’une excellente esquisse, comme le Portrait de M. Gabriel Séailles avec sa petite fille, où les modelés sont indiqués avec une telle exactitude et une telle délicatesse, où les expressions sont entrevues avec un tel accent de vérité et dévie, perdrait à être convenablement mise à point, de façon à devenir une œuvre et non plus une ébauche, une réalité et non plus une intention. Il est sans doute plus facile de s’arrêter à mi-côte dans l’ascension vers l’œuvre supérieure que de gravir jusqu’au bout la pente ardue ; c’est ce que font, de notre temps, beaucoup d’artistes, par manque de force ou par manque de courage, par lassitude ou par calcul ; on s’arrête aussi, de cette façon, à mi-chemin sur la route de la gloire.

Au sortir de ces brumes, si fines qu’elles soient, c’est toujours plaisir de saluer des couleurs saines, vives, brillantes, celles qui nous attirent toujours dans les improvisations inégales, mais primesautières et séduisantes, de M. Carolus-Duran. Parmi les huit portraits