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député est incompatible avec toute fonction publique rétribuée, » tel est le texte auquel la chambre s’arrêta. La brigue même du mandat serait interdite aux fonctionnaires : leur démission ou leur mise en disponibilité devrait précéder leur déclaration de candidature.

Puis, l’émulation s’en mêlant, et la question s’étant posée de savoir à qui s’appliquerait la qualité de fonctionnaire, on proposa que « toute personne fût inéligible qui aurait un traité avec l’État, ou qui serait employée par des individus ayant un traité avec l’État. L’on fit voter d’enthousiasme le premier et une partie du second paragraphe de cette disposition, qui eût frappé d’incapacité plus de cent députés actuels, en l’interprétant dans son sens le plus libéral, et qui, si l’on se fût attaché à son esprit, eût infligé la déchéance électorale aux simples abonnés du téléphone.

Un argument utilisé par plusieurs orateurs, au cours de la discussion, avait été l’exemple de l’Angleterre où, naturellement, tout est admirable. Il existe en effet, de l’autre côté de la Manche, une loi qui écarte de la chambre des communes ceux qui ont passé un traité avec l’État ; mais cette clause a plus de cent ans de date, elle remonte aux commencemens du règne de George III, et elle amène parfois des conséquences ridicules : sir Sidney Waterlow fut exclu, en 1868, parce qu’il fournissait du papier à une administration quelconque, et, en 1874, M. Ramsay, parce qu’il était porteur d’une action, évaluée douze francs, dans une compagnie de steamers chargée du service des postes entre l’Angleterre et l’Ile d’Islay.

Nous ne serons pas exposés en France à des résultats aussi excentriques, car, suivant un revirement qui n’a pas lieu de nous étonner, ces restrictions des droits du candidat et aussi des droits de l’électeur, adoptées le lundi, ont été repoussées pour la plupart le jeudi suivant. Seule, l’inéligibilité des fonctionnaires proprement dits, parmi lesquels ont été classés les ministres du culte payés par le trésor, subsiste dans le projet envoyé au Sénat. Cette mesure, vieux souvenir de l’esprit anticlérical d’il y a dix ans, aurait pour résultat d’obliger les électeurs, s’ils tenaient absolument à confier leurs intérêts temporels à un clerc, à nommer un dominicain ou un jésuite, au lieu d’un évoque ou d’un curé. Je parle ici au conditionnel, puisque chacun sait que l’article, établissant les incompatibilités nouvelles, sera purement et simplement rejeté au Luxembourg.

Tandis que les uns, dans la chambre, prétendaient exclure des dignités électives ces ingénieurs, professeurs, magistrats et autres catégories de personnes, douées de savoir et généralement peu fortunées, celles-là mêmes à peu près pour lesquels on demandait sous Louis-Philippe l’entrée dans le corps électoral par la formule « d’adjonction des capacités, » d’autres représentans s’efforçaient, par la proposition