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Persuadons-nous que les conversations utiles ne doivent pas être échangées à Londres, mais au Caire. Par bonheur, nous n’avons jamais reconnu et personne n’a reconnu les arrangemens particuliers faits en Égypte depuis 1882 ; ils n’ont aucune sanction internationale. Oublions ces dix années, agissons du moins comme si nous les avions oubliées ; le jour où les circonstances générales s’y prêteront, reprenons là-bas l’attitude que nous avions naturellement avant notre désertion. On demande au vice-roi des emplois, des nominations de fonctionnaires, des contrôles sur tous les services ! Ayons les mêmes exigences, appuyons-les près de lui, et près de lui seul, par tous les moyens de pression légitimes qui sont en notre pouvoir. Causons avec lui comme s’il n’y avait point de régimens britanniques en Égypte, démontrons-lui péremptoirement que nous voulons ignorer ce détail. L’Angleterre marquera d’abord quelque étonnement, quelque mécontentement sans doute. Mais si l’on veut bien se rappeler tous les événemens où elle a été mêlée depuis vingt ans, de l’Asie centrale jusqu’au Bosphore, du Bosphore jusqu’en Afrique, on remarquera que cette grande nation, si sage et si pratique, ne s’obstine jamais contre les volontés raisonnables qu’elle devine très fermes, et ne s’entête pas contre un plus entêté qu’elle.

Quoi qu’il en soit, l’ouvrage de M. le duc d’Harcourt devra désormais figurer au dossier de la question d’Égypte, pour tous ceux qui voudront étudier sérieusement cette question. Il me pardonnera d’avoir exposé franchement mes réserves sur quelques-unes de ses opinions historiques : je ne pouvais mieux lui témoigner l’intérêt et l’estime qu’inspirent ses travaux, quand on a goûté une fois ce qu’il y a de force et de sincérité dans les pages trop rares où il dépose son expérience du monde.