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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 118.djvu/614

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aient attiré davantage l’attention du public et l’intervention des pouvoirs législatifs que celles qui ont pour objet les créances ou les parts d’intérêts, qui s’appellent rentes, actions, obligations et qu’on désigne communément sous le nom de valeurs mobilières.

La création et la négociation de ces valeurs étant un des attributs de la Banque, bien qu’elles soient loin, comme on semble parfois le croire, d’en constituer l’unique objet, une étude de cette dernière nous paraît être la suite indispensable de nos recherches sur la spéculation.

La Banque est cette branche de l’activité économique qui a pour objet le commerce des capitaux indispensables aux autres négoces. Elle constitue dans son ensemble le réservoir où viennent puiser toutes les entreprises ; sa mission consiste d’une part à recueillir les sommes disponibles qui cherchent un emploi fructueux, d’autre part à mettre ces sommes en valeur en les faisant servir au commerce, à la finance, à l’industrie, dans leurs formes et leurs applications les plus diverses. C’est une pompe à la fois aspirante et foulante : elle sollicite l’épargne, en recueillant les moindres capitaux, fruit du travail et de l’économie, puis elle lance dans la circulation les ressources ainsi concentrées par elle, qui permettent la création constante de nouvelles entreprises, l’utilisation de nouvelles forces, la production de nouvelles richesses. Son rôle est indispensable : elle est l’intermédiaire nécessaire entre la fraction de la nation arrivée par son travail ou celui des générations précédentes à posséder du numéraire, et cette autre partie de la communauté qui n’en possède point ou n’en possède pas assez pour mettre en pleine exploitation son capital de force matérielle et intellectuelle.

Les premiers sont les détenteurs des capitaux qu’ils ont produits ou dont ils ont hérité ; ils sont les consommateurs de ce que produisent les seconds. Gardons-nous d’ailleurs de vouloir assigner une portée mathématique à cette division. La plupart des hommes sont à la fois producteurs et consommateurs. Les ranger exclusivement dans l’une ou l’autre catégorie, c’est commettre une inexactitude évidente. Ce classement n’a d’autre but que de faire ressortir la fonction prédominante chez l’individu, et encore cette prédominance change-t-elle bien souvent avec l’âge : celui qui a été producteur durant sa jeunesse et son âge mûr redevient, sur le tard, ce qu’il était, comme enfant, — un consommateur.

Quoi qu’il en soit, et sans vouloir insister sur les déductions philosophiques qui découlent de cette constitution de la société humaine, notamment au point de vue de la légitimité de l’héritage, elle nous paraît expliquer d’une façon à la fois claire et définitive le rôle et la fonction du banquier. Ce rôle et cette fonction sont méconnus pour deux raisons : la première, c’est que ce nom est