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du public, sans courir elles-mêmes le risque, c’est-à-dire sans s’engager vis-à-vis de l’État ou de la compagnie émetteurs à garder les titres non souscrits. Cette règle, en aucun cas, ne souffrira d’exceptions que pour l’emploi éventuel d’une partie du capital propre à l’établissement : et encore rappellerons-nous à ce sujet tout ce que nous avons dit plus haut de la nécessité de maintenir aussi liquide que possible même cette fraction du patrimoine social.

La plupart de nos grandes banques de dépôt, instruites les unes par l’exemple d’autrui, les autres par leur expérience personnelle, s’engagent de plus en plus dans la voie que nous venons de tracer. L’une des premières, reconstituée aujourd’hui sur des bases nouvelles, doit se souvenir de la crise violente amenée en 1889 par des engagemens téméraires pris dans la célèbre affaire des cuivres. Une autre qui partage, avec celle dont nous résumions tout à l’heure l’histoire, la spécialité des agences répandues sur toute la France, a connu des jours difficiles à cause d’entreprises lointaines où elle avait immobilisé des sommes considérables ; une partie des bénéfices que, grâce à une excellente organisation, elle réalise depuis de longues années, servent à amortir des engagemens pris dans l’Amérique du Sud. À Lyon, nous citerons volontiers une banque de dépôts modèle qui ne clôture jamais son inventaire au 31 décembre, sans avoir réduit ses engagemens à moins d’un million de francs, bien que son capital soit de 30 millions dont un quart versé, ses réserves de 3, et ses dépôts de 60 millions.

En face de ces banques, existent les associations financières qui, opérant essentiellement avec leurs capitaux propres, sous forme de sociétés par actions ou en nom collectif, ont pour domaine spécial toute la partie des affaires que les banques de dépôts s’interdisent[1]. Ce sont elles qui négocieront avec les gouvernemens, les compagnies industrielles, les emprunts nécessaires à l’équilibre des budgets, aux constructions nouvelles ou à tous autres développemens. Ce sont elles qui permettront les créations d’entreprises, qui offriront chaque jour d’autres emplois aux capitaux disponibles. Ce sont elles qui étudieront les conditions des affaires nouvelles et

  1. La caractéristique de ces sociétés, c’est que leur patrimoine propre est presque toujours supérieur au chiffre de leurs dépôts. Ainsi celle d’entre elles qui, en France, peut être considérée comme le type de cette catégorie, possède environ 80 millions de francs en capital et réserves, tandis que les sommes qu’elle doit aux tiers ne s’élevaient, au 31 décembre 1892, qu’à 30 millions ; au contraire, notre principale banque de dépôts avait, comme capital versé et réserves, 140 millions, contre 687 millions de dépôts.