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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 118.djvu/695

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des viticulteurs honorables et des consommateurs. Néanmoins, nous croyons pouvoir admettre, pour ce précepte, quelques exceptions bien négligeables par rapport à la grande majorité des cas. Ces exceptions peuvent être rapportées à trois catégories d’opérations.

Tout d’abord le plâtrage, pratiqué sans inconvénient aucun de toute antiquité, innocent en vertu même de la pratique séculaire qui l’a imposé, mais aujourd’hui proscrit et remplacé dans bien des cas par le tartrage, qui, au point de vue chimique, produit à peu près les mêmes effets.

Puis le traitement des vins malades. De ce que l’homme bien portant se garde bien d’absorber arsenic, chloral ou quinine, il ne s’ensuit pas que ces drogues, inusitées avant la maladie, ne soient absolument nécessaires lorsqu’elle sévit. À quoi bon l’œnologie si elle se bornait à constater platoniquement l’excellence de vins parfaitement réussis ? De même la médecine, sauf la branche de l’hygiène, s’occupe beaucoup plus des malheureux qui souffrent que de ceux, heureusement plus nombreux, dont la santé est florissante.

Enfin l’amélioration des vins par les levures sélectionnées. Dans ce cas, la vendange reçoit bien un élément étranger, mais à dose infinitésimale, et, si la tentative échoue, aucun résultat nocif n’est à craindre.

Les deux premières questions n’offrent rien de bien nouveau et sont revenues bien des fois sur le tapis. Aussi croyons-nous devoir passer immédiatement à la dernière, plus intéressante, par cela même que, née d’hier, elle est incomplètement vulgarisée.

Abandonné à lui-même dans certaines conditions de température, un liquide sucré peut « fermenter » en dégageant du gaz carbonique et se transforme en une solution alcoolique plus ou moins riche. Considéré en bloc, ce phénomène offre l’apparence et la netteté d’une réaction chimique. Néanmoins, les effets ainsi que les causes, examinés de près, en sont très complexes. En même temps que l’alcool et l’acide carbonique, il se produit, comme M. Pasteur l’a démontré le premier, de la glycérine en quantité très appréciable, de l’acide succinique à dose moindre, enfin, en proportions infimes, d’autres substances dont l’ensemble contribue à communiquer au vin, à la bière, au cidre, leur goût, leur parfum caractéristique, le bouquet en un mot, qui fera toujours discerner, au palais le moins exercé, le bordeaux du bourgogne, par exemple.

Personne n’ignore que le phénomène dont nous venons de parler est causé par des micro-organismes végétaux, des « levures, » qui s’assimilent le sucre et restituent l’alcool. Les savans ont également