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— C’est une réclame pour une maison d’acide tartrique. Lorsqu’un commerçant commande un motif d’art pour orner ses factures ou ses prospectus, c’est presque toujours une femme à la puissante poitrine, habillée d’une robe aux plis soufflés par la bise. Souvent elle joue de la trompette. Vous avez pu constater que la déesse de l’acide tartrique n’en jouait pas. Et elle a raison. Je ne prends même pas très au sérieux ce « réveil industriel » d’une nation qui n’a jamais été célèbre par ses manufactures. Nous avons quelques établissemens industriels, fondés de longue date et prospères, le long de nos frontières du Nord et de l’Ouest. Nos soieries sont connues. Les meubles se sont toujours fabriqués avec succès dans la haute Italie. Mais les tentatives récentes pour implanter chez nous de nouvelles industries, malgré le bruit fait autour d’elles, n’ont pas toutes réussi. Loin de là. L’opinion même est devenue plus sage, sur ce point, et commence à comprendre que les transformations de cette nature ne se décrètent pas. Mon Dieu, je pourrais vous citer, parmi les entreprises qui paraissent heureusement commencées, la fabrique de wagons montée à Venise, une autre d’ustensiles de ménage et de cuisine en fer, établie à Sesto, près de Milan, et qui a dû porter une certaine atteinte au commerce parisien. Mais peut-on, de bonne foi, ranger dans ce nombre les fonderies et aciéries, travaillant pour l’État, comme celles de M. Armstrong à Pouzzoles ? Elles occupent un personnel considérable. C’est vrai. Mais elles ne sauraient constituer un « mouvement » ni un « réveil » industriel. Pour être franc, il faut avouer que l’ouvrier italien n’a pas encore la main faite, et que l’apprentissage sera long ; il faut savoir dire que le progrès industriel chez nous est encore peu de chose, et qu’il se développera très difficilement, parce que nous manquons du premier outil, de l’élément essentiel, jusqu’à présent : la houille.

Une demi-douzaine de personnes compétentes m’ont confirmé, dans la suite, cette appréciation d’un inconnu.


— Quand on parle aux Italiens de leur littérature, les femmes disent généralement : « Je ne lis que des romans français ; » les hommes en disent quelquefois autant, mais ils ajoutent : « Ce n’est pas surprenant si notre littérature est inférieure à la vôtre. Chez nous, toutes les intelligences, depuis quarante ans et plus, ont été tournées vers la politique. Les luttes pour l’unité italienne, puis pour l’organisation du royaume, ont enlevé à leur vocation véritable un bon nombre d’écrivains et de poètes. Mais déjà les œuvres originales éclosent plus nombreuses, et vous verrez qu’un jour prochain la littérature italienne aura sa place honorable parmi celles de l’Europe. »