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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 118.djvu/801

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veau toute roussie qui sort du trou et frétille comme un serpent. Le mari accourt, et, saisissant l’appendice velu, tire de toutes ses forces. — Aïe ! aïe ! tu me l’arraches ! Tiénot, Tiénot ! — Qu’est-ce que tu veux ? — Lâche-moi et je te donnerai tout ce que tu voudras. — Tu es donc riche ? — Très riche. Tiens, voilà de l’or. — Tu es donc Satan ? — Oui-da. — Comment te trouvais-tu dans le sentier ? — Je suis très sensible au froid, étant habitué à la chaleur de l’enfer. — Tiénot, qui ne se sent pas de joie, empoigne un marteau, des pointes de douze lignes, cloue la queue du diable sur un énorme billot. — Maintenant, baille-moi de l’or ; je veux bâtir une auberge monstrueuse où chacun sera logé et abreuvé gratis. — Voilà, fait Satan qui beuglait de douleur. — Encore, je veux construire un couvent dont les moines n’auront d’autre occupation que de fabriquer des liqueurs. — Voilà ; rends-moi la liberté ! — Encore, je veux fonder une académie où chacun pourra dire et penser à sa guise, je veux doter les jeunes filles pauvres. — Aïe ! aïe ! il veut me ruiner ! — Tiénot passa de la sorte toute la nuit à tirer le diable par la queue ; le lendemain, riche comme Crésus, il loua des ânes, et porta son trésor à Vesoul, tout en semant l’argent à pleines mains le long de la route. La merveilleuse aventure étant venue aux oreilles des capucins d’Auxon, quatre d’entre eux se rendirent à la cabane ; mais, ô disgrâce, dame Barbette avait coupé, tout au ras de la chatière, la queue dont elle comptait se servir toute seule comme d’un talisman ; et le diable s’était enfui en lui cassant deux dents de son pied fourchu. Cependant les capucins voulurent tenter le hasard ; et de s’atteler deux à deux en sens inverse après cette queue, et de tirer si fort qu’elle se brisa, et qu’entraînés par leur propre élan, ils tombèrent et se rompirent les os du nez. C’est depuis ce temps que les capucins nasillent, afin de mieux imiter les quatre pères morts en odeur de sainteté ; de cette époque aussi que date cette locution familière : tirer le diable par la queue.

Légendes pieuses, légendes poétiques, amoureuses, pittoresques, comiques et dramatiques, il en est de toutes sortes, pour tous les âges, pour toutes les situations. N’est-elle pas gracieuse, cette tradition de Notre-Dame de Sornay (canton de Marnay), qui amenait les amoureux du temps jadis vers la vieille chapelle où ils adressaient cette prière à la madone ?


Sainte Vierge Marie
Aussi blanche que di paipie (du papier)
Aussi douce que di mie (du miel),
Faut-u lou penre ou lou lassie ? (Faut-il le prendre ou le laisser ?)