plus que compensée par la hausse du pouvoir de l’argent, car la vie fut beaucoup moins chère sous Henri IV que sous Henri III. Et si l’on tient compte de ce fait que d’une date à l’autre les défrichemens se développèrent, on verra que la propriété rurale, dans son ensemble, a gagné bien davantage que chaque hectare de terre, pris isolément, ne paraît avoir perdu en prix. C’est, du reste, un phénomène que nous avons déjà constaté aux siècles antérieurs, que celui d’époques où le progrès de l’agriculture, se traduisant par une extension des surfaces cultivées, a pour effet une baisse provisoire des prix.
Avec la mort d’Henri IV cessa le « bon ménage » du royaume, et le progrès, du moins cette partie du progrès dont un gouvernement encore rudimentaire comme celui de 1610 pouvait être l’artisan, s’arrêta. Mais la régence de Marie de Médicis a été peinte sous des couleurs trop noires par les historiens politiques, qui n’ont pas suffisamment pris garde que les intrigues de cour n’empêchent pas le blé de pousser, et que la machine officielle pouvait se détraquer tant soit peu, en ce temps-là, sans que le pays en souffrît outre mesure. Ce fut le cas de la période 1610 à 1620. La reprise des hostilités religieuses vint altérer cette quiétude, sans que l’on puisse prendre au pied de la lettre les doléances d’États provinciaux, tels que ceux de Normandie, qui se plaignent chaque année qu’on les écorche, qu’ils vont mourir.., qu’ils sont morts.., et qui disent en 1626 que « la famine a obligé chacun ces dernières années à chercher sa nourriture aux herbes, racines et autres choses jusqu’ici non connues pour le vivre des hommes… »
Le blé n’avait coûté de 1601 à 1625 que 14 francs l’hectolitre, un tiers moins que précédemment, tandis qu’il vaudra 19 francs de 1625 à 1650. L’augmentation prodigieuse des charges publiques, qui signale ce ministère si glorieux, mais si lourd, de Richelieu, et qui permit d’assurer la grandeur morale du pays, ne contribua pas, on le devine, à sa prospérité matérielle. La valeur des terres s’éleva pourtant, — de 277 à 308 francs, — maintenue par le prix exagéré de produits peu abondans, au lieu de l’être, comme du temps de Sully et de Colbert, par l’abondance des mêmes produits vendus bon marché. C’est même ce qui explique que la propriété foncière n’ait augmenté que d’un dixième, pendant que le blé haussait de plus d’un tiers.
Si quelque comparaison avec nos voisins pouvait adoucir nos misères, la vue de l’Allemagne, qui avait souffert plus, et plus longtemps que nous, offrait ce genre de consolations. Il fut enduré pendant quarante ans, dans la moitié du Saint-Empire, d’effroyables maux dont le souvenir dut être malaisé à effacer. Le prix de la vie, de 1626 à 1650, fut en Alsace, l’une des contrées