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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 118.djvu/861

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doute plus, en certaines parties du Languedoc, de 1589 à 1600, des luttes qui ensanglantent le nord du royaume ; mais aussi que de plaies à panser ! La campagne de Nîmes, « jadis voluptueux jardin de tout plaisir et abondance, » disait-on en 1592, était en grande partie abandonnée, « à raison des ravages, brûlemens et dégâts. » Dans l’ouest (1598), le roi Henri, allant de Nantes à Rennes à travers un pays ruiné, ne pouvait s’empêcher de dire : « Où ces pauvres Bretons prendront-ils tout l’argent qu’ils m’ont promis ? » Dix ans plus tard, quoique la restauration marchât bon train, les traces de tant de destructions attristaient encore les regards. Les voyageurs d’alors parlent sans cesse des villages ruinés qu’ils rencontrent sur leur route.


IV.

Le début du XVIIe siècle se signale, comme on sait, par une prospérité agricole semblable à celle qui avait marqué le commencement du siècle précédent, mais plus rapidement conquise. La distance est énorme entre l’entraînante reprise des affaires, de l’affaire en particulier la plus urgente, celle de la production du blé, au sortir des guerres de religion, pendant les années bénies où régnait Henri IV, où Sully administrait, où Olivier de Serres écrivait, et la période stagnante du XVe siècle qui suivit la guerre de cent ans.

Au XVe siècle, la crise avait été si longue, si épuisante pour le patient français, qu’il resta longtemps prostré, exsangue, entre la vie et la mort, et qu’il lui fallut au moins trente ans pour se remettre. Au XVIe siècle, on avait dévasté, mais aussi on avait défriché ; on avait fait un fameux gaspillage de vies humaines, et pourtant, — les démographes ne sauraient trop admirer cette fertilité, — on avait toujours réparé les brèches et, tant bien que mal, la population jusqu’à 1600 avait augmenté. Ce règne si court, demeuré si populaire dans les masses paysannes, dont l’instinct historique ne se trompe pas, cette douzaine d’années paisibles amassa au sein de la nation des économies, sur lesquelles elle vécut un demi-siècle ; économies auprès desquelles le trésor de la Bastille, dissipé, lui, en six mois, représentait à peine quelques liards.

Pourtant, et ceci prouve combien les chiffres isolés signifient peu de chose s’ils ne sont convenablement interprétés, la terre baissa de prix et plus encore de revenu. L’hectare labourable, que nous avons laissé à 317 francs de valeur vénale (1576-1600), nous le retrouvons en 1601-1625 à 277 francs. Mais cette baisse était