Picardie, de 30 francs à 87 en Normandie ; ce qui constitue, même avec l’avilissement de la monnaie, des plus-values réelles de 86, de 78, de 45 pour 100 sur le revenu antérieur. En faisant le même calcul pour l’Alsace, la Lorraine et le Maine, on trouve des augmentations positives de 43 pour 100 ; on en trouve de 13 pour 100 dans l’Orléanais, de 9 et 10 pour 100 dans la Bourgogne et le Dauphiné, de 5 pour 100 seulement dans l’Ile-de-France, où l’hectare rapportait 38 francs en 1790, et n’en rapporte aujourd’hui que 80. Le Languedoc et le Berry paraissent restés stationnaires.
Pris en bloc, le revenu des diverses provinces de France a augmenté davantage, de 1701 à 1790, que de 1790 à 1893 ; puisqu’en 1701 il était de 11 fr. 40, valant 34 fr. 20 de nos francs actuels, et qu’en 1790 il était de 26 francs, correspondant à 52 francs d’aujourd’hui. Il y avait eu, entre les deux dates, une hausse positive de 50 pour 100 ; tandis que de 1790 à 1893 il n’y a qu’égalité d’intérêt. Mais il semble que la propriété foncière serait mal venue à se plaindre, puisqu’elle a pu supporter, sans en éprouver aucun préjudice, une hausse du double dans le prix de la vie ; et que son revenu de 1893 lui permet de satisfaire autant de besoins ou de jouissances, que le permettait le revenu, moitié moindre, d’il y a cent ans. Au contraire, le propriétaire mobilier s’est vu, au cours de ce siècle, irrémédiablement dépouillé, par la seule force des choses, de 50 pour 100 de son avoir.
La terre française était, en 1790, la plus chère de tout le continent et du monde entier ; seuls les districts de l’Italie du Nord pouvaient lui disputer le premier rang. Notre territoire demeurait cependant, il y a un siècle, — et demeure encore aujourd’hui, quoiqu’il ait doublé de prix, — inférieur, sous le rapport de la valeur vénale et du revenu, à celui du monde romain ; j’entends à celui de l’Italie impériale, où le revenu des prairies et des forêts était, au dire de Columelle, de 100 francs l’hectare et le revenu des labours de 150 francs (100 et 150 sesterces à l’arpent de 25 ares).
Pourtant cette moyenne actuelle de 1,600 francs l’hectare en capital, et de 50 francs en intérêts, qui s’applique aux 50 millions d’hectares du sol français, semble plutôt appelée à descendre qu’à monter, en raison de la facilité grandissante des communications qui met chaque territoire aux prises avec tous les autres territoires du globe. La masse des terres fertiles en Asie, en Amérique, en Afrique, en Europe même, est énorme, et elles sont bien loin de valoir ce que valent celles de notre pays. Les 30 millions d’hectares de l’Autriche, il y a dix ans, rapportaient moins de 22 francs l’hectare. Si les bonnes terres d’Egypte peuvent se louer 84 francs,