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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 118.djvu/934

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présence des animaux au fond, correspond à un ou plusieurs phénomènes physiques rapidement mesurables à l’aide d’instrumens, thermomètres, aréomètres ou autres. La connaissance de cette relation permettrait de prévoir les chances d’accidens, d’éviter ces derniers et par conséquent de réaliser des économies, c’est-à-dire des bénéfices. Quand donc comprendrons-nous que ces études ne sont point uniquement théoriques et qu’elles se traduisent immédiatement par de l’argent, parce qu’elles sont pratiques ? Voilà pourquoi toutes les nations, sauf la France, font de l’océanographie ; elles sont bien plus guidées par des motifs d’économie politique et sociale que par l’amour pour la science pure, qui pourtant y trouve son profit par surcroît. En Angleterre, des océanographes sont attachés au service des bureaux de pêche, les navires télégraphistes chargés d’étudier le tracé des lignes sous-marines en ont à leur bord. C’est ainsi que M. Buchanan, à bord du Buccaneer a fait ses intéressantes recherches océanographiques dans le golfe de Guinée et le commandant Thomson, du Silvertown, ses observations de densités des eaux profondes au voisinage de la côte du Brésil. Ni l’administration française des télégraphes, ni la commission des pêches ne soupçonnent, je ne dirai pas l’utilité, mais s’il est permis de se servir de ce mot, l’indispensabilité de ces travaux. À Arcachon, le grand centre de l’ostréiculture française, on ne possède aucune notion sur la salure de l’eau en flux et en jusant dans les diverses saisons ; on ignore la distribution de la température, la quantité variable des matières en suspension, c’est-à-dire le taux d’envasement du bassin, sans compter une foule d’autres données. On ne saurait exprimer trop énergiquement le souhait de voir cesser un état de choses si préjudiciable et qui nous met en retard sur toutes les autres nations. Les esprits sérieux y voient un grave danger national à notre époque où la lutte pour la vie est aussi ardente entre les peuples qu’entre les individus et où les batailles sanglantes des armées de soldats vont de plus en plus être remplacées par des luttes commerciales et industrielles, plus terribles et plus impitoyables. Il n’est, hélas ! que trop certain que nous sommes dans une ignorance à peu près complète de ce qui concerne la culture méthodique, scientifique, et par conséquent rémunératrice de la mer.

Autour du bassin, tout le monde vit donc de la mer. Ceux qui vivent de la terre ou plutôt de la forêt, les résiniers, sont un peu plus loin. Ils ont pour domaine la surface entière des dunes et des landes boisées de pins. Pauvres gens aux mœurs pittoresques qui continuent aujourd’hui encore, au même endroit, le métier de leurs pères, au temps des Gaulois, débris d’un passé reculé auxquels le présent est devenu si dur que, pour eux, l’avenir est mort