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on n’a supprimé aucun autre impôt, la nouvelle taxe, ajoutée à toutes les autres, paraît vexatoire aux petits commerçans, aux petits fonctionnaires. Le ministère a promis, il est vrai, de réduire la contribution personnelle ; seulement cette réduction paraît problématique, en présence des résultats financiers de l’exercice actuel, qui accusent déjà un déficit de 10 millions de francs sur les évaluations budgétaires.

Une autre modification, apportée par le cabinet Tak van Portvliet au régime des impôts intérieurs, est la suppression des patentes, remplacées par une taxe sur les professions, que la seconde chambre a votée à une majorité de près des deux tiers. Désormais la loi frappera toutes les professions ou métiers dont le revenu annuel dépasse 1,300 francs, et le taux de l’impôt sera proportionnel au revenu déclaré par le contribuable. Le gouvernement néerlandais a profité de ce remaniement pour répondre à nos tarifs protectionnistes en élevant ses barrières douanières. Désormais, les maisons étrangères qui vendent directement aux particuliers seront frappées, à l’entrée, d’un droit s’élevant à 20 pour 100 de la valeur des marchandises, outre les droits actuels de 5 pour 100 : ce qui augmentera ainsi d’un quart de leur prix tous les produits expédiés du dehors à des consommateurs hollandais.

Si ces mesures, au point de vue de l’intérêt bien compris des Pays-Bas, nous paraissent discutables, nous ne pouvons qu’approuver la réforme électorale, actuellement soumise par le ministère aux délibérations des états-généraux. Les Hollandais, qui ont été les éducateurs de l’Europe en fait de liberté et de parlementarisme, — ils avaient la chose, sinon le mot, avant tous les autres peuples, même avant l’Angleterre, — se trouvent, au point de vue du droit de suffrage, maintenant que la Belgique vient d’accroître le sien, la nation la plus aristocratique du continent, parmi celles qui ont des représentations élues. La France, l’Allemagne et l’Espagne appliquent le suffrage universel au recrutement de leurs députés ; en Italie, le cens ne dépasse pas vingt francs ; en Angleterre, il suffit, pour voter, de payer 250 francs de loyer ou d’avoir 50 francs de rente ; il n’est pas jusqu’à l’Autriche où les simples paysans participent en quelque façon à la nomination des diètes. En Hollande, la chambre populaire n’est encore élue que par des censitaires payant, suivant les localités, de 42 à 336 francs d’impôt direct. Ce système donne à peine 300,000 électeurs sur une population de 4 millions et demi d’habitans. Le projet en discussion de M. Tak aurait pour effet, en conférant le droit de suffrage à tout Néerlandais sachant lire et écrire et pouvant entretenir sa famille, de porter à 800,000, chiffre qui représente 14 pour 100 de la population masculine des Pays-Bas, le nombre des membres du corps électoral.

Quoiqu’il n’y ait pas là un péril pour l’ordre établi, quoiqu’il semble même naturel, dans un État où le socialisme révolutionnaire est devenu