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du fruit et amener, à bref délai, la fermentation. Plus de 3,000 petits ânes étaient employés à ce transport ; on les rencontrait en files interminables se dirigeant vers le port, chargés, chacun, de quatre régimes grossièrement empaquetés dans des feuilles sèches. Aujourd’hui, un réseau de voies ferrées apporte, à moindre coût et sans avaries, les bananes jusqu’au quai où les navires les reçoivent et les emportent aussitôt le chargement terminé.

Au début, ces fruits acquittaient un droit d’entrée de 20 pour 100 dans les ports américains ; on les tenait alors pour consommation de luxe, réservée à la table des riches ; ce droit a été supprimé. Le gouvernement de Washington a compris, d’une part, l’intérêt qu’il avait à resserrer avec les pays producteurs des relations profitables, puisque ceux-ci, en échange des débouchés qui leur sont ouverts, s’approvisionnent aux États-Unis d’objets fabriqués, et, d’autre part, combien il serait impolitique de taxer un article d’alimentation peu coûteux, salubre, et que les États-Unis ne produisent pas. Encouragés par ces mesures libérales, les capitalistes américains ont donc créé de grandes plantations, non-seulement aux Bahama, à Cuba et dans les Antilles, mais à Aspinwall et dans le Honduras, créant du même coup des centres d’influence, rattachant à la grande république, par les liens de l’intérêt, des pays fertiles, ouvrant aux manufactures américaines des marchés nouveaux, s’enrichissant en enrichissant leurs voisins, en développant et multipliant les ressources de leur sol. Car si la banane tient le premier rang dans ce mouvement commercial de date récente, ce produit n’est pas le seul qui ait été appelé à trouver aux États-Unis un écoulement avantageux.

Ce qu’a été Baracoa pour la culture des bananes, Nassau l’est aujourd’hui pour d’autres fruits tropicaux dont l’exportation s’accroît rapidement. Tels la mangue, mangifera indica, fruit de premier ordre, dont le goût de térébenthine déconcerte au premier abord le palais des Européens, qui s’y habituent promptement et en arrivent à le proclamer l’un des meilleurs qui existent ; il est celui dont les habitans des tropiques sont le plus friands ; puis le chérimoya, Cherimolia Miller, au goût délicat et parfumé, et que les Américains désignent du nom de Custard apple ; l’avocat, ou Persea gratissima, originaire du Mexique, du Pérou et du Brésil, à la chair fondante ; l’Actocarpus incisa, ou l’arbre à pain, dont les fruits volumineux se récoltent toute l’année, à la condition de réunir sur la même plantation les espèces précoces et tardives ; M est très répandu aux Antilles, ainsi que dans les îles de l’Océanie où, cuit sous la cendre, il remplace, pour les blancs en cours de voyage, le pain dont les indigènes ne font pas usage. Puis la