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arrêtés du conseil communal restaient inexécutés, faute d’énergie, et surtout faute de ressources. Après la paix de Westphalie, le grand électeur tourna son attention vers la capitale de ses États, il substitua son autorité en 1660 à celle du conseil, incapable de remplir ses attributions les plus élémentaires. Sous une main plus ferme, l’ordre et la propreté renaissent ; dès 1666, la prospérité est si bien revenue que l’électeur se plaint du luxe excessif des habitans. En 1680, ceux-ci s’élèvent déjà à 9,800. Grâce à cette ingérence du souverain, il est interdit d’engraisser des porcs dans la ville, les rues se pavent de nouveau, elles s’éclairent la nuit et l’on organise la police. Un canal met Berlin en communication avec l’Oder ; les deux marchés annuels sont transformés en foires avec les privilèges habituels. Lors de la construction des travaux de fortification, on incorpore deux faubourgs. L’asile offert aux réfugiés huguenots amène des élémens incomparables pour le développement de la ville, dans laquelle on laisse aussi rentrer les juifs[1], et qui compte en 1685 17,400 habitans. En 1709, la population est de 56,000 habitans et la ville ne cesse de s’étendre. L’anarchie administrative était grande ; l’agrandissement de la ville s’était fait de pièces et de morceaux ; on avait laissé subsister des autorités diverses, des juridictions séparées ; il éclatait sans cesse des conflits de compétence. En 1693, on avait cru y remédier en créant une direction de la police unique, qui ne dura pas. En 1709, le roi Frédéric réunit en une seule ville les portions indépendantes et remplaça par une seule les quatre autorités communales, tout en maintenant les titulaires actuels, leur vie durant. Il en forma le Magistrat, composé de 4 bourgmestres, 2 syndics et 10 conseillers, auxquels l’administration urbaine fut confiée. Le Magistrat partageait la gestion de la police avec un fonctionnaire royal, et le roi se réservait un droit illimité de contrôle sur les actes de l’autorité locale. Les conseillers municipaux, jadis élus par la bourgeoisie et les métiers, furent nommés à vie par le collège du Magistrat.

Frédéric-Guillaume Ier se donna comme tâche de pourvoir sa capitale de ce qui pouvait en faire une véritable grande ville : il en agrandit le territoire, fit tomber les anciennes fortifications intérieures, activa les constructions : de 1721 à 1737, on édifia 985 maisons neuves dans la Friederichstadt. À sa mort, la population montait à 68,691 habitans, sans compter 21,309 hommes de la garnison militaire (1740). Le roi ne se montra pas satisfait de la manière dont fonctionnait le Magistrat : à diverses reprises, des

  1. En 1714, 129 familles israélites habitaient Berlin ; en 1700, la colonie française se composait de 6,000 personnes pourvues de privilèges spéciaux.