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dans ses Mémoires de prison, constate le même phénomène pour l’Angleterre : le voleur de Londres est un personnage aux yeux des collègues de Manchester ou de Bedford. Le Berlinois semble posséder une fertilité de ressources considérable, une promptitude de réplique extraordinaire et s’entend fort bien à la fabrication de faux alibis. Il y a des gens dont la profession consiste à venir déposer en faveur d’individus qu’ils n’ont jamais vus. Dans le cours de l’instruction, au Palais de Justice, les communications entre prévenus et témoins ont lieu sous le nez des gardes, et au tribunal même, le malfaiteur fait des signaux que le témoin comprend aussitôt.

Si on examinait les différentes catégories de crimes, on trouverait que les meurtres sont relativement peu nombreux, étant donné le chiffre de la population et en proportion de ce qui se passe dans d’autres grandes villes[1].

La police reçoit souvent la dénonciation de crimes, notamment d’empoisonnement, mais, le plus souvent, l’enquête faite montre le peu de fondement.

  1. Au point de vue de la sécurité, Berlin occupe la dixième place en Allemagne, la quatrième en ce qui concerne les blessures graves, la huitième au point de vue du vol. À Londres, en 1888, il y a eu 28 assassinats, 192 tentatives d’assassinat. À Berlin, la moyenne décennale n’a été que de 2 assassinats par an. Sur les 22 meurtres de 1881-1890, 6 auteurs ont été exécutés, 11 condamnés aux travaux forcés, 4 seulement sont restés inconnus. Le nombre de crimes demeurés impunis à Londres est beaucoup plus considérable. Le 22 avril 1881, le cordonnier Bowitz tue sa femme à coups de couteau ; le 5 mai 1882, Henkelmann étrangle la servante Jaksch ; le 12 août 1882, le cocher Conrad tue sa femme et ses quatre enfans et pend les cadavres ; le 31 juillet 1882, la veuve Gottfried, une vieille prostituée de soixante-deux ans, est blessée mortellement à l’aide d’un instrument contondant, la nuit, par un individu demeuré inconnu ; le 16 décembre 1882, la veuve Kœnigsbeck est assassinée par le commissionnaire Dickhof, condamné pour ce crime et l’assassinat de la veuve Lissauer, commis en 1876 ; le 12 mars 1883, le garçon de bureau Sobbe assassine le facteur postal Cossaeth ; le 18 septembre 1883, le maçon Eichler coupe la gorge à sa femme ; le 29 mars 1884, le cordonnier Gronack tue sa femme, sa belle-sœur et le portier de la maison ; le 22 juillet 1884, le serrurier Meissner tue son ancienne maîtresse ; le 21 juillet 1885, le menuisier Schunicht assassine sa maltresse ; le 2 novembre, le commis Kowalski tue Mme Pœpke, épouse d’un secrétaire de la chancellerie ; le 7 juillet 1886, Marie Schneider, âgée de douze ans, précipite par la fenêtre un enfant de trois ans auquel elle avait pris ses boucles d’oreilles ; le 26 octobre 1886, le maçon Finger tue sa femme et son enfant ; le 10 avril 1887, le négociant Kreis est assassiné dans son bureau par son commis Guntzel ; le 27 septembre 1887, le veilleur de nuit Braun est assassiné près de l’église Sainte-Elisabeth, le cadavre pendu à un arbre ; c’est l’origine du procès Heinze, en 1891 ; le 25 décembre 1888, l’invalide Rose est assassiné ; le 10 avril 1889, l’apprenti ébéniste Brunott étrangle son compagnon d’atelier Skupke et en jette la cadavre dans un trou à fumier ; le 14 septembre 1889, le tailleur Klausin tue la femme Vaness et la mère de celle-ci ; le 1er décembre 1889, l’ouvrier Cartsburg tue sa tante ; le 7 décembre 1889, le surveillant Meissner est assassiné dans la cave de la maison en construction ; le 2 mars 1890, l’ouvrier Franke assassine sa maîtresse ; le 19 juillet 1890, la femme du facteur Wende est assassinée dans le Thiergarten. — Les meurtriers Conrad, Eschler, Sobbe, Gronak, Schunicht et Clausin ont été exécutés. — On n’a pas découvert les assassins de la veuve Gottfried, de l’invalide Rose, du surveillant Meissner et de la femme Wende.