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On a pu remarquer que, dans les assassinats, lorsque tout indice manquait à l’instruction, la découverte du coupable était souvent l’œuvre du hasard ou d’une imprudence du criminel, imprudence qui semble d’autant plus incompréhensible que le crime a été habilement préparé et exécuté.

Ainsi le meurtrier Conrad, après avoir assassiné sa femme et ses enfans, écrivit à la jeune fille qu’il voulait épouser, que sa femme était morte subitement. Or, par le timbre de la poste, on put déterminer que la lettre avait été jetée à la boîte à un moment où le cadavre n’avait pas encore été découvert.

Sobbe, qui avait loué une chambre afin d’y assassiner et d’y voler un facteur de la poste, se laissa entraîner par la vanité, à montrer, dans un débit du voisinage, son passe-port militaire à des gens qui ne voulaient pas croire qu’il eût été sous-officier.

Enfin, Guntzel demanda de grand matin, alors que le meurtre du négociant Kreis n’avait pas encore été découvert, à une marchande de journaux si les feuilles parlaient déjà du crime.

Il vaut la peine de faire observer que les deux procès de cour d’assises qui ont fait le plus de bruit à Berlin, celui de Dickhof et celui de Heinze, se rapportaient à des crimes qui avaient eu comme acteurs des individus pris dans les bas-fonds de la société.

Dans la liste des crimes berlinois, on rencontre peu des drames passionnels qui émeuvent Paris.

Deux procès en 1882 et en 1891 ont eu un grand retentissement à Berlin, parce qu’ils ont déchiré brutalement le voile complaisamment étendu sur l’organisation et les agissemens du monde du crime.

Il y a vingt-cinq ans, un meurtre, demeuré célèbre, fit naître une vive émotion. Une personnalité très connue à Berlin, le professeur Gregy, qui entretenait des relations avec une fille nommée Fischer, fut assassiné par elle et le souteneur de celle-ci, le serrurier Grothe, avec la complicité d’une entremetteuse, dans une cave, au milieu de circonstances horribles. Le cadavre, dépecé, fut précipité dans la rivière. Les auteurs, découverts, furent exécutés. C’était à une époque où Berlin était encore relativement une petite ville et où la tâche de la police était plus facile.

Le procès Dickhof, en 1882, a fait plus de bruit, et cela ajuste titre. Le héros était un des criminels les plus redoutables qui se soient assis sur les bancs de la cour d’assises ; s’il a échappé à une condamnation capitale, c’est que la démonstration de sa