ressentait à Paris. Je me souviens d’une lettre de M. Baraguey d’Hilliers adressée à M. de La Valette ; les plus grands malheurs y étaient prédits. Placé sur les derrières de l’armée, M. Baraguey d’Hilliers voyait les difficultés qui s’accumulaient autour de lui ; il prévoyait que bientôt les communications qu’il était chargé d’assurer seraient interceptées. Il n’y avait qu’un seul homme dont la confiance inébranlable cherchât à se rendre communicative, dont les lettres annonçassent toujours les plus heureux résultats. M. de Bassano, établi à Wilna avec quelques membres du corps diplomatique, repoussait tout ce qui pouvait faire douter du succès final ; ce n’était pas chez lui indifférence pour les souffrances dont il était témoin, car il était bon et humain ; tous les sentimens généreux trouvaient accès dans son âme ; mais M. de Bassano était possédé d’une telle admiration pour Napoléon, d’un désir si ardent de voir réussir ses projets, que tout cédait en lui au besoin de concourir à ce succès, à lui en fournir les moyens.
Il était impossible que l’inquiétude, qui gagnait à Paris les hommes les plus dévoués au gouvernement impérial, ne fît pas naître chez ceux qui avaient pour lui des sentimens hostiles l’espoir de le renverser. À la fin d’octobre nous en eûmes la preuve. Une conspiration éclata, dans des circonstances fort extraordinaires, qui méritent d’être racontées. Presque toutes les relations qui en ont été publiées sont plus ou moins mensongères : je veux parler de la conspiration Malet.
Le général Malet n’était plus un jeune homme ; il avait fait ses premières armes dans les mousquetaires et avait quitté le service, lors de la dissolution de ce corps, avec le brevet de capitaine. Patriote très chaud, au commencement de la révolution, il était rentré dans l’armée en 1792 ; en 1799, il était général de brigade. Son républicanisme fort ardent, qu’aucune des horreurs de la révolution n’avait ébranlé (il était de ceux, en très petit nombre, qu’on qualifiait, dans l’armée, de terroristes), lui avait fait voir avec un grand déplaisir l’élévation du général Bonaparte au consulat ; il avait été l’un des généraux qui, lors du concordat avec le pape, étaient entrés dans un complot qui avait donné assez d’inquiétude au premier consul. Cependant, en 1805, il avait été encore employé en Italie et avait même eu le commandement de la ville de Pavie. Il cessa d’être employé dans les premiers jours de l’empire et vint