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Cependant Malet pénétra encore jusqu’au cabinet du général Doucet, adjudant-général, chef d’état-major ; celui-ci lisait le sénatus-consulte, que venait de lui remettre le commandant du détachement qui avait pris les devans. M. Doucet s’était aperçu de la fausseté de la pièce. Comme il se récriait sur cette indignité, Malet se préparait à lui faire subir le même sort qu’au général Hulin, lorsque l’adjudant Laborde, qui le suivait de près, le voyant porter la main sur un pistolet, se jeta sur lui et l’arrêta, en appelant à son secours les soldats du poste préposés à la garde de l’hôtel. Ceux de la cohorte ne surent pas plus tôt ce qui venait de se passer, qu’ils se hâtèrent de se ranger sous les ordres du général Doucet et de l’adjudant Laborde, auxquels ils avaient l’habitude d’obéir.

M. Saulnier ayant appris l’enlèvement du duc de Rovigo, s’était transporté chez M. Real, qui avait couru chez l’archichancelier, puis chez le ministre de la guerre, et de là enfin à l’école militaire, requérir le général Deriot, commandant la garde impériale, de faire avancer au plus vite des détachemens en nombre suffisant pour rétablir le bon ordre. M. Saulnier, de son côté, s’était fait mener chez le général Hulin ; il y était arrivé quelques instans après le coup de pistolet que lui avait tiré Malet, et l’avait trouvé dans son lit. Le ministre de la guerre, déjà informé de l’arrestation de Malet, avait donné les ordres nécessaires pour faire rentrer dans les casernes les troupes qui avaient été séduites.

Ainsi, pour le général Malet, tout était terminé après quatre ou cinq heures de succès.

Malet avait cru que ses ordres, envoyés de l’état-major général à tous les corps de troupes dans l’étendue de la division, ne pourraient pas manquer d’entraîner leur complète obéissance, puisqu’ils leur apparaîtraient sous la forme accoutumée, puisqu’ils leur seraient transmis par les voies ordinaires. Malgré ce que l’audace d’une telle conception peut avoir de saisissant, il est impossible de ne pas la regarder comme un acte de folie. Il eût fallu tuer le ministre de la guerre et son état-major, gagner, désarmer ou détruire le général et les officiers supérieurs auxquels appartenait le commandement de la portion de la garde que l’empereur n’avait pas près de lui et qui se trouvait à Paris et à Saint-Cloud. Or, il n’était pas permis d’ignorer que la garde n’était pas sous les ordres de l’état-major de la division. Son dévoûment à l’empereur, à l’impératrice, au roi de Rome était connu ; elle était casernée en grande partie hors de la ville, à l’école militaire, à Courbevoie ; ses chefs auraient, par conséquent, été avertis à temps, ils avaient 4,000 à 5,000 hommes.