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du Magny), les nombreux accidens qui découpent et appauvrissent le gîte, la grande quantité de grisou qu’il dégage, rendent l’exploitation difficile, empêchent de dépasser ce chiffre. La compagnie n’a rien négligé pour améliorer les produits extraits : criblages mécaniques qui permettent de classer et trier le charbon, lavoirs qui traitent 500 tonnes par jour, fours à coke du système Coppée qui utilisent les charbons menus, donnent un coke dense, d’un bel éclat métallique, très recherché par les fondeurs. Elle s’efforce aussi de rendre meilleur le sort de ses 1,400 ouvriers qui se recrutent presque tous dans le pays, les enfans remplacent peu à peu leurs parens : un bon mineur gagne cinq francs par jour, son fils, à quatorze ans, se fait 1 fr. 20 à 1 fr. 50 ; soins médicaux, médicamens, secours journaliers aux malades ou blessés, pension à vie pour l’ouvrier guéri, si la blessure a occasionné une infirmité permanente ; retenue de 1 1/2 pour 100 sur les salaires qui, avec une somme égale fournie par la compagnie, est versée à la caisse nationale des retraites, pour assurer, à partir de cinquante-cinq ans, une pension en rapport avec le travail. Les livrets de la caisse sont personnels ; un ouvrier se sépare-t-il de la compagnie, les sommes versées lui restent acquises ; caisse d’épargne où les ouvriers peuvent faire des versemens jusqu’à concurrence de 3,000 francs, avec intérêts à 5 pour 100, écoles, salles d’asile pour les enfans, bibliothèque, salle de lecture et de récréation, salle de musique, magasins qui servent de régulateurs pour les prix de vente chez les négocians de la localité, où l’ouvrier peut se procurer des vivres, vêtemens et objets de première nécessité (ainsi le pain de première qualité se vend 30 centimes le kilo, celui de deuxième 23 centimes) ; et les bénéfices sont affectés à des œuvres de bienfaisance ; habitations ouvrières sur le type de Mulhouse, louées moyennant une faible rétribution qui couvre à peine les frais d’entretien et d’impôts ; dortoirs mis à la disposition des ouvriers qui demeurent un peu loin, où lits garnis, chauffage, éclairage, quelques ustensiles sont fournis gratuitement ; ces témoignages de sollicitude qui entretiennent l’intimité entre ouvriers et patrons rendent très rares les grèves. Ceci n’est nullement particulier à la société houillère de Ronchamp ; dans toute la Haute-Saône, on pourrait dire dans toute la Comté, les relations de l’employeur et de l’employé revêtent un caractère cordial, presque familial, fondé sur la morale, la justice et l’équité ; protestans, catholiques, libres penseurs rivalisent d’efforts généreux, pratiquent la politique du pauvre homme, de celui dont on a dit avec éloquence : la charité du pauvre consiste à ne pas haïr le riche. Je n’exprimerai qu’un regret : le prix des actions de la compagnie houillère (5,000 francs) les rend d’un accès presque impossible aux ouvriers ; et n’importe-t-il pas