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La position de ce syndicat devenait cependant de jour en jour plus difficile. Surchargé d’engagemens, il ne trouvait plus que malaisément les capitaux de report sans l’aide desquels toute sa puissance s’évanouissait. La débâcle prévue a été provoquée par deux incidens, l’un politique, l’autre économique : la présence du prince royal d’Italie aux fêtes de Metz, et la hausse rapide de l’agio de l’or en Italie, de 4 à 12 pour 100. En quelques semaines, le syndicat ne pouvant plus intervenir pour cause d’épuisement de forces, la rente italienne a fléchi de neuf points. Après la liquidation de quinzaine, on la vit reculer encore de 83.65 à 82.50, et déjà des prophètes annonçaient la prochaine apparition du cours de 80 francs.

Les journaux allemands et italiens prétendirent que la haute banque française écrasait par représailles la rente du pays voisin. Certes, après le voyage du petit-fils de Victor-Emmanuel il était aisé de prévoir que beaucoup de capitalistes français allaient débarrasser leurs portefeuilles des titres italiens qui y avaient trouvé longtemps un asile cordial. Toutefois la sentimentalité est peu de mise à la Bourse, et l’on y opère rarement avec un pur esprit de patriotisme. Si tant de ventes de valeurs transalpines ont été effectuées dans un si court espace de temps, ce n’est pas seulement parce que l’empereur Guillaume II a tenu à compromettre aux yeux du monde entier le fils de son allié, mais aussi et surtout parce que le royaume est dans un état de détresse économique qui a tout à coup inspiré quelques craintes sur la régularité du service des coupons, craintes assurément exagérées, du moins pour l’heure présente. On a pris peur à Rome et à Berlin plus encore qu’à Paris, et les ventes les plus empressées ont été d’origine italienne ou allemande.

Quant à la tension du change, elle est le résultat de l’exode ininterrompu de la circulation métallique par toutes les frontières, de l’excès de la circulation fiduciaire qui n’est peut-être pas intégralement de bon aloi, enfin des besoins spasmodiques de paiement à l’étranger pour les particuliers comme pour le Trésor.

À 82.50, le recul de l’Italien a été enrayé par des rachats bruyans de quelques banques berlinoises. En même temps le cabinet de Rome tentait de mettre fin à de nombreux abus touchant le paiement des coupons de la dette publique, en rétablissant, à partir du 1er octobre, la procédure de l’affidavit, qui sauvegarde les intérêts du trésor, mais cause de grandes gênes à ceux des porteurs de titres qui résident hors de l’Italie.

Cette mesure, assez hardie dans les conjonctures actuelles, l’ajournement du décret par lequel le paiement des droits de douane devait être exigé en or, des bruits d’emprunt, un commencement d’amélioration du change, ont relevé les cours de deux unités jusqu’à 84.50 ; mais