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quelque attention, on fait aisément deux découvertes : si la Russie se faisait promettre que les troupes mises à la disposition de sa majesté britannique ne pourraient pas être envoyées soit en Italie, soit en Espagne, elle ne stipulait rien quant à la France ; en outre, un article séparé réservait expressément l’adhésion de la Hollande et de la Prusse « dans l’entière persuasion que ces deux puissances se trouvaient sincèrement disposées de concourir au maintien de la paix publique, » mais non celle de notre pays.

L’Angleterre, il est vrai, perdit promptement la bonne opinion qu’elle avait conçue, en décembre 1742, du grand Frédéric, et ce remuant personnage cessa tellement de lui paraître « disposé sincèrement de concourir au maintien de la tranquillité publique » qu’elle conclut à Varsovie, au commencement de l’année 1745, une alliance avec la Hollande, l’Autriche et la Saxe contre la Prusse. Il s’agit aussitôt d’obtenir l’adhésion de la Russie à ce nouveau pacte et deux partis prirent position, dès cette époque, dans l’entourage de la tsarine : l’un, dirigé par le vice-chancelier Vorontsof, recommandait la paix avec la Prusse et signalait la nécessité d’entretenir les meilleures relations avec la cour de Versailles ; l’autre, conduit par Bestoujef-Rioumine, démontrait que le roi de Prusse agissait ouvertement contre la politique de la Russie soit en Suède, soit à Constantinople, et qu’il fallut en conséquence s’attacher plus que jamais à l’alliance anglaise. L’avis de Bestoujef prévalut et la Russie adhéra le 23 juin 1747 à la convention de Varsovie, s’engageant « à tenir prêt pendant le cours de l’année sur les frontières de Livonie attenantes à la Lithuanie un corps de 30,000 hommes d’infanterie et en outre 40 ou 50 galères avec les équipages requis sur les côtés, tellement qu’ils pussent agir sur la première réquisition à faire par Sa Majesté britannique. » Le cabinet de Saint-James ne s’endormit pas sur ces lauriers et lord Hindtord, son représentant à Pétersbourg, ne se borna pas à coucher sur le champ de bataille. On conçut l’audacieux projet de faire mettre à la disposition des « puissances maritimes, » sur le Rhin ou dans les Pays-Bas, un nouveau corps auxiliaire russe de 30,000 hommes, outre celui qui devait camper sur les frontières de la Livonie. Hindford et Bestoujef manœuvrèrent avec tant de fougue et de précision que, dès le 19 novembre 1747, cette seconde victoire diplomatique, et quelle victoire I était remportée. À cette seconde convention, conclue entre la Russie, l’Angleterre et la Hollande, succéda dès le 9 décembre 1747 un troisième pacte, renouvelant et complétant le traité du mois de juin. Celui-ci maintenait le corps auxiliaire de 30,000 fantassins sur les frontières de la Livonie, en lui adjoignant « six mille hommes de Cosaques ou