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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 119.djvu/880

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vallée de l’Adige, les ceps couverts de feuilles roussies par la maladie. L’an dernier, tout le vignoble des environs de Clermont-Ferrand a été envahi ; les pertes y ont été énormes. On peut cependant les éviter, on sait se défendre. Le mildew, comme beaucoup d’autres moisissures, est extrêmement sensible aux atteintes des sels de cuivre ; de là l’emploi de mélanges essentiellement formés de sulfate de cuivre et de matières ayant pour but de précipiter l’oxyde de cuivre et de former sur les feuilles un dépôt adhérent. La bouillie bordelaise, la première en date, est formée de sulfate de cuivre et de chaux diluées dans l’eau ; le carbonate de soude remplace la chaux dans la bouillie bourguignonne. Enfin, dans ces derniers temps, M. Michel Perret a rendu encore plus efficace la découverte qu’a faite M. Millardet, en ajoutant aux mélanges cuivriques, préconisés par l’éminent professeur de Bordeaux, de la mélasse, qui, adhérant fortement aux feuilles, empêche les pluies d’entraîner l’oxyde de cuivre.

Aujourd’hui, les vignerons, instruits par une rude expérience, procèdent dès le printemps aux traitemens préventifs à l’aide de ces bouillies, dont les taches grisâtres s’aperçoivent facilement sur les feuilles, et, dès lors, on est en droit de se demander si ces traitemens n’interdisent pas l’emploi des feuilles comme fourrage ; on conçoit que les vignerons, croyant encore que les sels de cuivre sont des poisons redoutables, hésitent à faire consommer par les animaux les feuilles des ceps traités par les bouillies. L’expérience s’est cependant prononcée nettement. Les sels de cuivre sont infiniment moins vénéneux qu’on ne le supposait naguère ; les feuilles de vigne encore tachées par les bouillies cuivriques peuvent être distribuées au bétail sans inconvénient ; mais les préjugés sont longs à vaincre, et il est à croire que, par crainte de nuire à la vigne ou d’empoisonner les animaux, on laisse sans emploi une ressource particulièrement précieuse dans une année comme celle que nous traversons. Les feuilles de vigne équivalent en effet, dans les vignobles du Midi, à un poids de foin compris entre 5,000 et 10,000 kilogrammes à l’hectare, à, une récolte moyenne de foin de 2,100 à 3,600 kilogrammes dans le Sud-Ouest, et à 1,500, à 2,500 en Champagne. M. Müntz, à qui on doit ces indications, estime que les 2 millions d’hectares du vignoble français produisent l’équivalent d’une récolte de foin comprise entre 3 et 6 millions de tonnes.

Si malgré notre détresse fourragère nous laissons, bien à tort, perdre les feuilles de vigne, il est à croire que les marcs de raisin, qui ne portent pas de taches visibles de sels de cuivre, car les traitemens ont lieu trop tôt pour que les grappes soient atteintes, seront utilisés. M. Müntz conseille de les ensiler en les mélangeant avec du