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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 119.djvu/882

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mais à côté de ces quelques espèces nuisibles, le nombre des arbres qui donnent des feuilles comestibles est considérable ; les ormes, les peupliers, les érables, les platanes, les acacias, les noisetiers, les frênes, les bouleaux, les charmes, les tilleuls, les pins, portent des feuilles que les animaux consomment volontiers. Ces feuilles constituent une excellente nourriture ; quand on les soumet à l’analyse et qu’on compare leur composition à celle de la luzerne, qui est considérée à juste titre comme un très bon fourrage, on reconnaît qu’elles représentent une composition très analogue.

M. A.-Ch. Girard ne s’est pas borné à établir la composition des feuilles d’arbre, il a voulu savoir comment elles étaient utilisées par les animaux. La méthode à employer pour résoudre cette importante question est facile à saisir ; quand on a déterminé le poids et la composition des feuilles dont on nourrit un animal, on sait quelles quantités de matières azotées, de matières hydrocarbonées (sucre, amidon, gomme, etc.), de cellulose, de matières grasses, de matières minérales, contient la ration. Si on en défalque la partie piétinée, gâchée, non ingérée, on calcule aisément le poids de ces différentes substances qui pénètrent dans le tube digestif ; si, d’autre part, on recueille les déjections et qu’on les soumette au même mode d’analyse que l’aliment, on en déduit le coefficient de digestibilité de ces différens principes, en d’autres termes, la quantité de matière digérée pour 100 de l’ingérée. Or, sur 100 parties de matières azotées contenues dans les feuilles d’acacia, de marronnier ou d’ormeau, 80.7 sont digérées ; sur 100 de ces mêmes matières azotées contenues dans la luzerne, 86.2 sont utilisées ; pour les matières hydrocarbonées des feuilles d’arbre, le coefficient est 83.9, et 82.3 pour ces mêmes matières provenant de la luzerne.

Les feuilles sont donc un excellent aliment, et un bois mérite absolument d’être appelé une prairie en l’air ; il est certain que cette année les feuilles seront utilisées partout où la disette de fourrages se fera sentir. Il n’y aura aucune difficulté à recueillir celle des arbres taillés en têtards, et celle des taillis. Pour utiliser les arbres élevés, on dépensera un peu plus, mais il vaut mieux faire quelques sacrifices de main-d’œuvre que de laisser dépérir le bétail. Au reste, les élagueurs ne sont pas rares et il est plus commode de couper les jeunes branches et de les travailler à terre que d’effeuiller.

Quand les branches sont coupées, on sépare les bois et les branchages feuillus. Ces derniers sont réunis en fagots qu’on fait sécher sous un hangar, comme du tabac et du maïs ; on donne ces fagots aux animaux, soit sans aucune préparation, soit après les avoir fait passer au hache-paille, soit même après les avoir ensilés en les saupoudrant de sel marin pour les rendre plus sapides. La