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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 119.djvu/933

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pria Joachim de recevoir sa dernière confession et de lui apporter le viatique.

— Il rendra l’ame à la tombée de la nuit, avait dit le médecin en s’éloignant, et s’endormira sans souffrances dans le sein de son Dieu.

À midi, il reçut les sacremens, en présence du clergé de Salerne et des nobles de sa maison. Puis, il ordonna qu’on le revêtît de la robe de Saint-Benoît et qu’on l’établît sur une chaise longue, près d’une fenêtre ouverte, la figure tournée du côté de Rome.

— Pour Rome, dit-il, et pour l’Église de Rome seront les derniers battemens de mon cœur.

Il pensa alors aux nécessités présentes de la chrétienté et du pontificat, et désigna son successeur au choix de ses cardinaux.

— Vous élirez l’abbé Didier, bien qu’il ne doive me survivre que peu de temps. Mais je suis assuré qu’il rentrera dans Rome, et ce jour-là, mon âme le précédera sur le seuil de ma basilique de Saint-Jean, mère et tête de toutes les églises du monde.

Il retira de ses doigts l’anneau papal et le confia au cardinal d’Albano, chancelier de l’Église romaine. Il dit ensuite à Joachim :

— Prenez ma croix d’or, mon ami. C’est ma dernière richesse. Et, sans retard, conduisez ici Pia, afin qu’elle assiste son oncle expirant.

Pia vint, guidée par le vieil évêque, dans sa robe noire de veuve. Elle s’assit tout près de Grégoire. Celui-ci porta péniblement sa main droite, blanche et froide, sur la tête de la jeune fille, la bénissant et la caressant tour à tour.

— Pia, dit-il d’une voix très faible, l’heure est venue.

Elle le regardait pieusement et d’abord n’entendait point le sens de ces paroles prononcées avec une telle douceur. Puis, elle comprit que le père la quittait pour jamais et, joignant les mains, elle le supplia de ne point mourir. Alors, relevant la tête, par la fenêtre ensoleillée, elle aperçut la mer, la mer d’azur qui lui souriait.

Là-bas, très loin encore, à la pointe méridionale du golfe, une galère, poussée par le vent d’Afrique, s’avançait vers le port de Salerne.

Au même instant, la cloche de Saint-Mathieu se mit à tinter tristement et, du fond de la cathédrale normande, la grande voix de l’orgue et la psalmodie sourde des moines entraient dans la chambre solennelle.

C’étaient les adieux de l’Église à son pontife qui commençaient. Le cardinal d’Albano chercha, dans son bréviaire, les prières suprêmes et fut :