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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 120.djvu/109

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taux indique dans beaucoup de cas qu’on se trouve en présence de sociétés ayant leur origine dans les fonds fournis par des bourgeois ou des patrons philanthropes. S’il s’agissait de capitaux purement ouvriers, il serait bon de leur allouer davantage.

Les 942 sociétés de consommation se répartissent ainsi : 17 boucheries seulement, 300 boulangeries environ ; toutes les autres sont des épiceries. Le mouvement coopératif de consommation est donc en France de peu d’importance. On en rapproche quelquefois, il est vrai, les syndicats agricoles qui, eux, foisonnent, et qui s’occupent pour leurs adhérens, avec succès, de fournitures de certaines denrées, par exemple des engrais, des substances contre les maladies des plantes et des animaux, des instrumens de travail même. Mais ces syndicats agricoles ont un caractère différent des sociétés de consommation proprement dites. Nous y reviendrons ultérieurement.


III. — GRANDS DESSEINS CONÇUS AU SUJET DU DÉVELOPPEMENT ET DE LA TRANSFORMATION DES SOCIÉTÉS DE CONSOMMATION.

C’est néanmoins dans ce pays de France, où les Sociétés coopératives de consommation ont pris jusqu’à ce jour si peu de développement et où elles montrent tant de lenteur à adhérer à la Fédération, que certains hommes ont conçu pour l’avenir de ces associations les plans les plus gigantesques. Il est temps, disent les apôtres, de ne plus confiner la coopération dans un magasin d’épicerie. Elle doit conquérir le monde tout entier. C’est particulièrement M. Charles Gide qui a dressé un plan de campagne. Il s’agit d’abord de faire l’éducation coopérative, de susciter « la foi coopérative, cette foi qui fait de l’idée coopérative en Angleterre une véritable religion[1] ».

Ce premier résultat obtenu, il ne faut pas laisser la coopération enfermée dans un magasin d’épicerie ; il convient de lui ouvrir l’horizon et de lui donner des ailes. « Le plan de campagne, pratiqué depuis longtemps, dit-on, dans les pays où l’éducation coopérative est faite, comprend trois étapes successives. » Les sociétés de consommation doivent « se réunir entre elles, faire masse, prélever sur leurs bénéfices le plus possible pour fonder de grands magasins de gros, et opérer les achats sur une grande échelle ; voilà la première étape. Continuer à constituer, par des prélèvemens sur les bénéfices, des capitaux considérables et avec ces capitaux

  1. Revue d’économie politique, loc. cit., page 16. Cette formule nous paraît très exagérée, car la plupart des sociétés coopératives de consommation qui ont réussi en Angleterre se conduisent de la façon la moins idéale et tendent à ressembler de plus en plus à des sociétés anonymes qui auraient pour actionnaires leurs acheteurs.