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républicain ou social le plus avancé et d’autres appartenant au parti catholique. Au lendemain de la guerre et de la Commune de Paris, le mouvement coopératif se ralentit ; il y eut même un peu de recul. Le parti socialiste, qui se reconstitua ensuite, en prenant pour idéal le collectivisme pur et simple, se montra plutôt hostile à la coopération. Celle-ci, cependant, retrouva dans la bourgeoisie pratique et dans les professions libérales d’ardens protagonistes à partir de 1880, notamment dans la région du Midi où il se constitua à Nîmes une sorte d’école coopérative radicale. Les associations existantes tinrent, à partir de 1886, des congrès annuels réguliers que présidèrent des professeurs connus et des hommes politiques d’une certaine renommée. On y convoqua aussi les principaux coopérateurs étrangers. On constitua une Fédération nationale qui eut un Comité central et un magasin de gros. Il se créa plusieurs journaux pour propager les idées de coopération. Néanmoins, soit à cause du peu de penchant des Français pour l’action collective, soit pour toute autre raison, le mouvement est resté assez limité, du moins en intensité. Il s’étend, toutefois, à presque tous les départemens. L’Annuaire de la Coopération pour 1893 en indique 82 qui possèdent des sociétés coopératives de consommation, au nombre total de 942. Six départemens seulement de la France continentale ne comptent pas de société de consommation. Mais, sauf quelques-unes qui jouissent d’une large prospérité, la Moissonneuse de Paris comptant plus de 15 000 membres et faisant 5 millions d’affaires, la Revendication de Puteaux, la Boulangerie coopérative de Roubaix, etc., la plupart semblent peu importantes. Il n’y en a que 150 affiliées à la Fédération ; la cotisation de 10 centimes par membre et par an, pour les besoins de celle-ci, a dû être réduite à 5 centimes et « même à ce taux dérisoire, elle est assez irrégulièrement payée[1]. » Le chiffre des ventes du magasin de gros ne montait qu’à 2 136 000 francs en 1891 et, d’après les ventes du premier semestre de 1892, on pensait que, pour cette dernière année, il se rapprocherait de 2 400 000 francs.

Les renseignemens manquent sur le chiffre d’affaires même approximatif des 942 sociétés de consommation françaises. La plupart de ces sociétés appartiennent au type dit de Rochdale ; elles ne vendent qu’au comptant ; leurs prix sont à peu près ceux du commerce ordinaire, de manière à laisser une assez large marge de bénéfice ; le boni est réparti entre les consommateurs au prorata des achats, les actions ne recevant en général qu’une rémunération fixe assez minime, d’ordinaire 4 p. 100. La faiblesse de ce

  1. Gide, Revue d’économie politique, janvier 1893, pp. 6 et 7.