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offrait un capital de 12 000 francs et une rente de 500 francs pendant vingt ans pour avoir la station. Elle l’eut. Le conseil général des Pyrénées-Orientales voulut aussi souscrire. Et, tandis que le laboratoire de Roscoff avait été tout entier construit avec les deniers de l’Etat, celui de Banyuls fut le produit de l’activité locale et régionale, dont le réveil, constaté en des points divers, est un des phénomènes les plus remarquables de la fin de notre siècle, un de ceux qui montrent la profonde vitalité de toutes les parties du pays. Après le département, après la commune, de riches citoyens ont apporté leur concours privé ; concours précieux déjà pour son résultat immédiat, plus encore pour l’exemple qu’ils ont donné par là.

Le laboratoire Arago se compose d’un bâtiment à deux étages, plus long que large et flanqué aux deux bouts de petits pavillons, l’un pour le gardien, l’autre pour la pompe et sa machine à vapeur, donnée par M. Bischoffsheim.

Au rez-de-chaussée se trouve l’aquarium, vaste pièce asphaltée, au centre de laquelle un bassin ovale alimenté par un jet d’eau (de mer naturellement) est rempli d’animaux attendant qu’on ait statué sur leur sort. Un homard et un chien de mer patientent depuis plusieurs années, et ceci prouve tout au moins que leur situation hygiénique est suffisante, quoique artificielle. L’impression fournie par l’aquarium de Banyuls ne peut être comparée à celle que l’on ressent à Naples. Là-bas, tout est disposé pour séduire et charmer le touriste plus épris d’art que de zoologie : ici tout est combiné pour les travailleurs ; elles visiteurs, car il en vient, jouissent cependant d’un spectacle rare, encore qu’il ne soit pas aménagé pour eux. L’obscurité profonde, la ceinture d’eau continue dont nous avons admiré l’effet sur la côte italienne, sont ici remplacées par des Ilots de lumière glissant sur des murs blancs. Sans doute d’épais rideaux peuvent être tirés quand il est utile, pour mieux voir, de laisser entrer la seule clarté qui vient par l’eau ; et sans doute aussi on sent déjà rien que par ce détail la préoccupation exclusivement scientifique. Dans les murs sont encadrées les glaces de sept bacs fixes, où avec une harmonie cherchée de vives couleurs se groupent les représentans de la faune du Roussillon. Elle est très riche cette faune, et peut être comparée à celle de Naples, qui a déjà donné matière à une si riche exploitation. Sur des tables s’alignent de nombreux bacs mobiles, superbes réservoirs de verre offerts au directeur par des amis généreux, ou modestes mais pratiques globes de pendule en équilibre sur des colliers de paille tressée, et dans tout cela l’eau limpide et aérée circule.

Rien n’est charmant comme de voir tous ces réservoirs remplis