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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 120.djvu/187

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et des formes à coups de sensations excitent l’intelligence, que l’on sent devenir clairvoyante et féconde ; la brise de la grève, parfumée de varechs, haleine d’infini, souffle dans la pensée. Le bord mobile du flot est ainsi la meilleure des écoles et se recommande aux débutans qui veulent s’initier à la zoologie marine, et qui, forcés par les circonstances, apprennent avec allégresse une foule de choses indispensables, — odieuses s’il faut les retenir par la seule mémoire « livresque ». Ce n’est pas à dire que les zoologistes formés ne puissent aussi mettre à profit pour leurs recherches la richesse bien connue de la faune roscovite, soit qu’ils consacrent chaque jour quelques heures délassantes à chercher eux-mêmes les animaux dont ils ont besoin, soit qu’ils s’en rapportent pour cela au personnel dévoué et expérimenté attaché au laboratoire ou embarqué à bord de ses deux bateaux à voile : le Pentacrine et le Dentale.

Il me suffit d’avoir indiqué à grands traits les conditions fondamentales qui règlent la vie du laboratoire breton ; je passe à regret sous silence le véritable poème de ténacité vécu par son fondateur, qui, débutant avec une subvention annuelle de 3 000 francs, augmentée depuis peu à peu sous la pression des résultats acquis, est arrivé à grouper à Roscoff un aquarium de recherches, un vivier, des laboratoires spacieux, et même des chambres à coucher : car la station donne aux zoologistes l’hospitalité complète. Il peut y tenir — Et il y a tenu — 25 ou 30 travailleurs ensemble.

Mais, revenons à Banyuls. Il est oiseux peut-être de discuter ici pour savoir si un laboratoire est placé dans une grande ville ou dans un village ; chaque système a ses partisans : les uns déclarent que les ressources de la ville sont indispensables, en particulier le gaz d’éclairage ; les autres pensent que le recueillement du milieu est pour la recherche une condition essentielle. Au reste, pour ce qui est de Banyuls en particulier, le choix fut déterminé par une série de circonstances. D’après ce que nous avons dit, il s’agissait, pour compléter l’établissement de Roscoff, de se fixer au bord de la Méditerranée. Mais quelle région de la côte adopter ? et dans cette région, quel point ? Les Universités maritimes de Marseille et de Montpellier ayant déjà, par la seule vertu de leurs positions, des laboratoires maritimes, la région orientale se trouvait désignée. La connaissance des riches faunes de Port-Vendres et des Baléares poussait au reste M. de Lacaze-Duthiers à chercher de ce côté.

Une vieille caserne de Port-Vendres lui semblait pouvoir être transformée en laboratoire. Les négociations poussées dans ce sens n’aboutissaient pas, et pendant ce temps la commune de Banyuls