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vin. M. Miquel, ministre des finances de Prusse, l’organisateur de cette fiscalité nouvelle, n’a pas eu plus facilement raison des doléances des agens de change, contre la taxe projetée sur les opérations de bourse. On prétend cependant tirer des nouvelles contributions un rendement considérable, puisqu’elles doivent servir à faire face au déficit de 26 millions du budget de l’empire, à payer 87 millions de subventions aux États particuliers, et à procurer en outre une annuité de 1 p. 100 pour l’amortissement de la dette nationale. Ces destinations diverses combinées avec le supplément de frais militaires, exigeront un total annuel de plus de 200 millions de francs à demander au Reichstag, dans la session qui s’ouvrira le 21 novembre.

Jusqu’à la convocation du parlement impérial, la vie politique demeure peu active en Allemagne ; les divers congrès qui, depuis trois mois, se sont succédé, n’avaient pas de quoi passionner l’opinion : dans celui des catholiques, à Wurtzbourg, le député Grœber a fait le procès de la société moderne et réclamé l’organisation corporative obligatoire ; dans celui des socialistes, qui vient de se tenir à Cologne, M. Singer a rendu compte des résultats obtenus par l’agitation rurale ; terrain sur lequel paraissent, en Allemagne aussi bien qu’en France, devoir se concentrer dans l’avenir tous les efforts du parti.

Il n’en pouvait être de même des élections aux diètes, de Bavière et de Saxe, qui ont eu lieu cet été, et de celles du Landtag prussien qui se feront dans quelques jours. Le système électoral en vigueur pour ces assemblées, avec le cens élevé qui en est la base, n’a guère permis jusqu’ici aux groupes socialistes d’y espérer aucun succès marquant. En Prusse, le vote des électeurs de la classe supérieure, qui forment le dixième de la population, suffit à corriger ou à annuler le suffrage des neuf autres dixièmes. Aussi la masse populaire, indifférente, s’abstient-elle à peu près de prendre part au scrutin. En Bavière, depuis les élections du mois de juillet, les socialistes, qui jusqu’alors n’étaient pas représentés au Landtag, y sont entrés au nombre de 5 ou 6 ; en Saxe, le vote de ce mois a été pour eux l’occasion d’une victoire nouvelle : ils sont 13, dans une chambre de 82 membres, et le parti conservateur n’a péniblement gardé, sur l’ensemble des fractions avec lesquelles il est en lutte, que la majorité d’une voix.

Les vieilles sociétés de l’Europe auront ainsi à se défendre contre les germes de désorganisation qu’elles contiennent dans leur sein ; tout en faisant aux générations qui s’élèvent leur part de soleil, en s’efforçant d’accroître sans cesse la somme de liberté et de bien-être du plus grand nombre des hommes. Les jeunes sociétés de l’Amérique n’ont pas de vieux moules à briser ou à rajeunir ; elles possèdent une liberté extrême, et le bien-être est à portée de leurs mains ; mais leurs institutions politiques sont peu solides, quoique, ou parce que toutes fraîches encore. Et ces institutions s’affermissent d’autant plus malai-