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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 120.djvu/325

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préoccupation les a conduits à multiplier les courbes de 1 000 mètres de rayon, dans lesquelles les navires d’une longueur de 100 mètres et plus, — ils sont fréquens aujourd’hui, — ne peuvent cheminer qu’avec une extrême difficulté. Il est fort probable qu’à l’usage on reconnaîtra la gravite de cet inconvénient, et qu’ici, comme on l’a fait à Suez, on le corrigera en élargissant notablement les parties en courbe. — Ce tracé présentait encore l’avantage de passer à travers une série de lacs naturels dont des dragages, sans coûteuse importance, pouvaient, à peu de frais, faire des garages convenablement espacés pour le croisement. C’est ainsi qu’à 15 kilomètres de Holtenau, le canal maritime pénètre dans le Flemshüde-See. Mais si la profondeur de ce lac est grande, le niveau naturel en est de 7 mètres plus élevé que le plan d’eau du canal. Le faire baisser d’autant c’eût été assécher pour toujours les terres environnantes et en décider la stérilisation. On sut y parer en établissant autour de la partie du lac mise en communication avec le canal, une puissante digue en terre argileuse, à l’extérieur de laquelle circule, maintenue au niveau primitif, une dérivation de la rivière Eider. Le canal d’eau douce est ainsi suspendu en quelque sorte à 7 mètres au-dessus du canal maritime. Il est difficile, se rappelant l’adage qui veut que toute digue se rompe au moins une fois, de ne pas trouver une semblable disposition quelque peu inquiétante. Le soin extrême apporté à la confection de l’ouvrage parvient à peine à rendre le sentiment d’une certaine sécurité.

À 53 kilomètres du Flemshüde-See, le canal, après avoir passé sous les murs de la vieille ville de Rendsburg, atteint à Grünenthal le seuil où se fait, entre la Baltique et la mer du Nord, le partage des eaux. Il l’entame au moyen d’une tranchée de 44 mètres de profondeur, au-dessus de laquelle un pont en arc, dont la disposition paraît inspirée du célèbre viaduc de Garabit, rétablit les communications du chemin de fer du Holstein et des grandes routes qui relient le Jutland à l’Allemagne. Ensuite, ce ne sont plus, jusqu’à Brunsbûttel, terminus du canal dans l’embouchure de l’Elbe, que terres humides, tourbières et marécages, encore périodiquement submergés par les hautes marées de la mer du Nord. Pour pouvoir, dans cette masse vaseuse et inconsistante, creuser le canal et en maintenir le-profil, il a d’abord fallu en faire les rives, en quelque sorte, au moyen de déblais sablonneux provenant de la tranchée de Grünenthal. Cette partie délicate de l’entreprise n’est pas celle qui a présenté le moins de difficultés.

De Holtenau à Brunsbüttel, le canal ainsi tracé a exactement 98m, 650. La profondeur en doit être telle que les plus grands cuirassés de la flotte allemande, qui calent 8m, 50, y aient, aux basses mers de l’estuaire de l’Elbe, 0m, 50 d’eau sous la quille, ce