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relations humaines poussait à commercer, ont-ils cherché une voie exempte des périls qui attendent le navigateur dans les détroits. Dès la fin du XIVe siècle, la Hanse de Lübeck réunit l’Elbe à la Trave par un canal appelé le Secknitz, qui présente cette particularité d’être l’un des plus anciens canaux à écluses. Cent ans plus tard, le Secknitz devenu insuffisant, une autre communication, plus large et plus profonde, est établie entre l’Œste et l’Alster. Mais Hambourg, jalouse de Lübeck, parvient à la faire combler. Dans tous les temps, autrefois autant qu’aujourd’hui, l’intérêt local ou corporatif, l’une des formes les plus actives de l’égoïsme, est essentiellement anti-social et ennemi du progrès. N’a-t-on pas de nos jours entendu certains hommes déplorer l’accès que le canal de Suez ouvrait aux blés de l’Inde et de l’Australie venant sur les marchés européens combler le déficit de nos récoltes ?

Un prince libéral et éclairé, dont le nom est, à juste titre, resté populaire, Frederick de Danemark, fils et héritier de Christian VII, réunit, dans la première partie du XVIIe siècle, la Baltique à la partie maritime de l’Eider par un canal encore fréquenté aujourd’hui malgré son faible tirant d’eau de 3m, 20 et son étroite largeur de 10 mètres au plafond.

La Prusse avait depuis longtemps contracté envers le Schleswig-Holstein, — insuffisante compensation d’une violente annexion, — L’engagement de mettre le canal de l’Eider en état de recevoir les bâtimens de grand tirant d’eau et de fort tonnage. Le devis de cette importante amélioration ne s’élevait pas à moins de 35 millions de marks. Ce fut là aussi une des raisons invoquées par le gouvernement prussien pour déterminer le Landtag à contribuer aussi largement qu’il l’a fait à l’exécution du nouveau canal.

Au lendemain de la guerre de 1870, il avait été question d’y consacrer une partie de l’indemnité de guerre payée par la France à ses vainqueurs. Mais l’Allemagne n’ambitionnait pas encore le rôle de grande puissance maritime, et la proposition n’eut pas de suite. Un négociant de Hambourg, M. Dallström, la fit revivre et la rendit populaire, si bien que le gouvernement allemand y trouva l’opinion publique toute préparée quand il la reprit.

Partant de Holtenau, port situé de la façon la plus favorable sur la rive occidentale de la profonde baie de Kiel, à 5 kilomètres au nord du grand port de guerre, le canal se développe dans une dépression naturelle, sorte de limite géologique, aux contours incertains, où finissent les plateaux du Lauenbourg, où ne commencent pas encore les terres hautes du Schleswig. Dans un intérêt d’économie, les ingénieurs allemands ont voulu suivre aussi exactement que possible le Secknitz qui, dans cette partie du tracé, recherche soigneusement les points les plus bas du sol naturel. Cette