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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 120.djvu/329

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est impraticable au moment où la jonction des deux flottes devient une nécessité stratégique. Et puis, dans quelle éventualité l’Allemagne pourrait-elle, en cas de guerre maritime, dégarnir l’une de ses deux côtes ? Les nombreuses anfractuosités du Jutland et des îles du Belt et du Sund ne peuvent-elles pas abriter l’escadre ennemie, prête à fondre sur celui des rivages laissé sans défense ? C’était l’opinion du vieux Moltke, qu’en toute hypothèse il faudrait, dans le cas d’une guerre maritime, s’assurer d’abord que l’Allemagne n’aurait rien à craindre du côté du Danemark, euphémisme suffisamment intelligible dans une bouche germanique. Et alors, l’Allemagne maîtresse du Danemark, ou tout au moins sûre de ne pas être attaquée par lui, la valeur stratégique du canal diminue considérablement. Souhaitons qu’on n’en fasse jamais l’épreuve. Aussi bien, la plus grande sécurité offerte à la navigation, les richesses garanties, les existences humaines préservées du naufrage, suffisent amplement à justifier la construction du canal qui permettra au commerce de communiquer sans danger de la Baltique à la Mer du Nord.


III

Le canal de Corinthe est terminé, celui de la Baltique le sera bientôt. De toutes les voies du même genre qu’on rêve ou qu’on a tenté d’ouvrir depuis vingt ans entre deux mers, ce sont les seules, pour le moment, dont l’exécution ait été poussée jusqu’à l’achèvement. Nous dirons tout à l’heure quelques mots des autres, mais les réflexions que nous soumettrons à leur sujet à l’appréciation des lecteurs, gagneront à ne venir qu’après ce que nous leur demandons la permission de leur dire au sujet d’une autre catégorie de canaux maritimes.

Il ne s’agit plus ici d’une communication à établir entre deux mers séparées par la nature, mais d’une pénétration, en quelque sorte, de la mer à l’intérieur des terres. Ce n’est plus une nouvelle voie qu’on veut ouvrir, c’est un port qu’on veut créer, sorte de terminus auquel viendra directement aboutir la navigation de haute mer.

La préoccupation des frais de transport a dominé de tout temps, et, aujourd’hui plus que jamais, domine toutes les spéculations du commerce et de l’industrie. C’est parce que le transport maritime est beaucoup plus économique que celui qui s’effectue par les voies terrestres, si perfectionnées qu’elles soient, que les peuples ont toujours cherché à rapprocher le plus possible les navires des lieux de consommation et de production.

Certains grands fleuves, la Tamise, le Tage, en Europe, la