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Dès 1877, il entreprit une de ces campagnes de meetings et de publications que les Anglais savent conduire avec tant d’énergie et de persévérance. En 1881, il réunit sans peine le capital d’action parlementaire indispensable à tout projet d’initiative privée qui frappe aux portes de Westminster[1]. Il constitua, sans tarder, un comité d’étude dont les travaux aboutirent au projet qui fut dès l’année suivante soumis au Parlement. Liverpool et les compagnies de chemins de fer, qui disposent d’influences puissantes, y firent une opposition violente, et longtemps son sort fut incertain. Rejeté une première fois par les Communes, puis accueilli par cette Chambre après quelques modifications de forme sans grande importance, le bill subit chez les lords le dédaigneux échec de la question préalable. Sans se décourager, M. Adamson et ses amis le représentent à la haute assemblée dans une session suivante. Renvoyé devant les Communes, il est soumis à une longue et minutieuse instruction, à la suite de laquelle il est de nouveau repoussé comme pouvant nuire aux passes de Liverpool.

Le projet primitif plaçait, en effet, l’entrée et la première partie du canal de Manchester dans l’estuaire même de la Mersey, Les digues qui l’y délimitaient paraissaient devoir, en provoquant des dépôts de l’alluvion, diminuer l’étendue de l’estuaire et réduire, par suite, le volume d’eau qui s’y introduit à chaque marée, et qui, par ses mouvemens successifs de jusant et de flot, assure le maintien des profondeurs. C’était prêter à l’objection de violer les droits acquis à Liverpool par deux cents ans d’efforts et de dépenses[2]. Le tracé fut remanié ; l’entrée du canal, placé à East-Ham, sur la rive gauche, dégageait entièrement l’estuaire. Le projet revint de nouveau devant le Parlement, porté vers le succès par un mouvement d’opinion tellement irrésistible, que Liverpool, les chemins de fer et les autres adversaires renoncèrent à le combattre davantage. Le 13 juin 1885, le bill est adopté. La compagnie se constitue aussitôt : cinquante-cinq mille souscripteurs répondent en un jour à l’appel du comité fondateur et fournissent un capital de 200 millions de francs, dont la moitié est aussitôt appelée. On se met à l’œuvre, et les travaux, conduits avec une grande activité et

  1. La procédure à laquelle sont soumis les projets d’initiative privée (private bills) devant les commissions parlementaires est fort coûteuse. (Voy. de Franqueville, Enquête sur les chemins de fer en Angleterre, qui donne à cet égard des détails fort intéressans.) — La propagande nécessaire comporte également des dépenses considérables. Les avances faites de ces divers chefs par les promoteurs du Ship-Canal se sont élevées à près de 4 millions de francs.
  2. Liverpool date du commencement du XVIIIe siècle. En 1708, Thomas Steers y construisit le premier bassin à flot. La population de Liverpool n’était alors que de 8 000 habitans. 84 petits bateaux, de 70 tonnes à peu près, constituaient toute sa flotte.