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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 120.djvu/345

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à heures fixes. Il n’y aura, promet-on, pas plus de 10 de ces trains par jour en chaque sens : soit 20 en tout. Le service fonctionnera avec une telle régularité, qu’en dépit de ces 20 interruptions, convois de chemins de fer, voitures, charrettes, mulets et piétons trouveront toujours les ponts tournans prêts à leur livrer passage. Singulière illusion ou prétention, comme l’on voudra, que cet horaire à l’exactitude chronométrique imaginé pour atténuer l’intolérable gêne qui, pour plus de huit grands départemens, pour nos relations avec la péninsule Ibérique, résulterait de la présence d’un pareil obstacle.

Primitivement, sur une partie considérable du parcours, les berges devaient être en remblais, ce qui semble obligatoire, puisque le canal d’une façon à peu près générale s’élève au-dessus du niveau des terres environnantes. Les commissions techniques auxquelles le Gouvernement confia l’examen du projet et dans lesquelles se trouvaient des ingénieurs qui savent le degré de confiance qu’il convient d’accorder aux barrages en terre, firent des objections dans l’intérêt des pays riverains, exposés à un déluge en cas de rupture d’une des berges. Quoique nombre des partisans du canal aient toujours affiché le plus parfait mépris-pour les commissions officielles, et que quelques-uns aient même, dans la presse et dans des brochures, parlé en termes peu courtois de ceux qui en faisaient partie, il fallut bien cependant reconnaître la portée de l’objection. On assure aujourd’hui que le tracé sera modifié de façon à mettre le canal en tranchée sur presque tout son parcours[1].

Comme on ne parle pas en même temps d’abaisser la cote de passage au col de Naurouze, ce qui constituerait une aggravation sensible de la difficulté, il est permis de se demander comment on y atteindra sans élever les plans horizontaux des biefs successifs au-dessus du terrain naturel. Réserve-t-on la solution de ces difficultés contradictoires à une étude ultérieure, suivant la formule consacrée ? Ce serait quelque peu téméraire. En tous cas, cette modification hasardée du projet primitif, — en admettant même qu’elle fût réalisable, — entraînerait un surcroît sensible de dépense.

On croit, il est vrai, trouver à cet égard une compensation d’un autre côté. Puisque l’un des objets essentiels du canal projeté était de faire passer d’une mer à l’autre non seulement les grands vapeurs qui font la navigation d’Extrême Orient, mais surtout la flotte de guerre, on avait dû prévoir une profondeur correspondant à la calaison des plus grands bâtimens. On s’était arrêté à

  1. Journal des Travaux publics du 9 février 1893. — Projet Pocard-Kerviller : Canal des Deux-Mers.