celle de 8m, 50 qui est le minimum strict. Beaucoup de cuirassés, en effet, calent 8 mètres et même quelquefois davantage, et plus un navire est grand, plus il lui faut d’eau sous la quille. Une délibération prise en 4885 par le Conseil d’amirauté est venue fort à propos tirer de souci sur ce point les auteurs des projets. Les chefs de nos forces navales ont à l’unanimité déclaré qu’en aucune hypothèse ils ne consentiraient à courir le risque d’engager les cuirassés dans le canal projeté. Si cette décision retirait au canal le caractère, si cher à son premier promoteur, d’« œuvre de préservation nationale », elle permettait, en manière de compensation, de moins se préoccuper de la profondeur. On s’y résigna donc assez allègrement. Ce ne sera plus 8m, 50, nous dit-on : il nous suffit de 7m, 60 pour la marine du commerce. Au même moment, la Compagnie du Canal de Suez reconnaissait la nécessité de porter la profondeur utile à 8m, 50 au moins, les navires de 7m, 93 de tirant d’eau devenant de plus en plus nombreux. En somme, le nouveau canal se trouvait ramené, quoi qu’on en dise, au rôle plus modeste de voie de grand cabotage. Moindre profondeur et aussi section réduite, car le nouveau canal se contente de 20 mètres au plafond dans les tranchées en terre, de 32 mètres dans quelques parties rocheuses, et uniformément partout de 44 à 45 mètres au plan d’eau. Ainsi la section sera la plupart du temps le triple à peine de celle des grands paquebots et des gros cargo-boats, dont on persiste quand même à réclamer la clientèle. La résistance au mouvement qui en résultera, la traction des locomotives en aura raison. On ne se préoccupe pas d’ailleurs de ce que ce mode nouveau de halage ne s’est encore fait connaître que par une tentative malheureuse sur une toute petite section des canaux du Nord.
Quant à la destruction des berges, qui serait l’infaillible conséquence de l’insuffisante issue laissée aux courans de retour de l’eau déplacée par les navires dans cette étroite rigole, on ne s’en préoccupe pas davantage. Est-ce parce que la précaution de murailler les berges ici, comme on l’a fait à Manchester, à Corinthe, comme il faudra le faire dans le canal de la Baltique, entraîne une trop grosse dépense ? C’est possible, mais de telles imprévisions ne seraient pas sans créer à l’exploitation future des charges très lourdes et une besogne fort compliquée.
Autre difficulté. Un pareil canal ne fonctionnera pas sans consommer beaucoup d’eau. Pour s’élever d’écluse en écluse jusqu’au bief de partage, chacun de ces vingt grands convois que l’on prévoit exigera 55 000 mètres cubes d’eau ; autant pour redescendre le versant opposé, soit, pour les vingt, 2200 000 mètres cubes par jour, ou 25 mètres cubes par seconde. C’est déjà le débit d’une rivière importante. Ce n’est pas tout. On prétend, du même coup,