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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 120.djvu/446

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Nous ne pouvons suivre MM. Pavie, P. Lefèvre-Pontalis, Cupet, de Malglaive et plusieurs autres agens de la mission, dans toutes leurs intéressantes études, mais il suffit de jeter un coup d’œil sur la carte de l’Indo-Chine publiée tout récemment par le ministère des Affaires étrangères pour être agréablement surpris de son tracé scrupuleux. Territoires, routes, cours d’eau, tout semble avoir été parcouru et visité. L’on voit que l’on n’a même pas reculé devant l’ennui d’une navigation monotone pour fixer la direction du plus petit ruisseau. À cette carte magnifique, il manque la relation de tant de pays parcourus ; qu’il nous soit permis de la réclamer comme complément de si beaux travaux.

Pendant que le capitaine Cupet surveillait pas à pas des colonnes siamoises qui, avec un appareil guerrier et de nombreux éléphans, parcouraient le Laos cambodgien, et lorsque le lieutenant de Malglaive visitait les tribus des Mois, recevant de ces sauvages et d’un pauvre missionnaire messin, le Père Guerlach, qui vit au milieu d’eux, un accueil sympathique, M. Lefèvre-Pontalis, de son côté, ne demeurait pas inactif. Après avoir visité Ipang, être revenu à Laï-Chaupar Poufang, il s’était efforcé de faire diriger vers le Tonkin les thés si renommés du Sipsong-Panna[1]. Chaque printemps, il en est expédié de fortes quantités au Fils du Ciel et à la cour de Pékin. Les jeunes pousses des arbustes sont expressément cueillies à cet effet. Les récoltes qui se font à la suite de la première cueillette n’en sont pas moins appréciées et donnent lieu à d’importans envois.

« Chaque jour, dit M. Lefèvre-Pontalis, je rencontrais des caravanes allant de Chine à Ipang, grosses parfois de cent mules chargées de sel ou de riz à l’aller, lourdes de thé au retour. Ipang est relié par un grand nombre de routes aux principaux cantons de Yunnan, Semao, Talan, Manhao. C’est vers le Yunnan que tout son mouvement commercial se dirige, mais il ne paraît pas impossible de l’attirer vers le Tonkin. Douze jours à dos de mules d’Ipang à Laï-Chau, cinq de cette ville à Hanoï en pirogues, avec un grand centre commercial au terme du voyage, ce sont là des conditions favorables. » Oui, ces conditions sont favorables, et elles le sont si bien qu’un Laotien, ami de M. Pavie, l’un des grands chefs de la rivière Noire, a commencé l’expédition de plusieurs ballots de thé à un négociant français de Hanoï. Ces tentatives sont couronnées par l’ouverture faite par M. Macey, à Xieng-Hong, d’un comptoir français et par

  1. Note sur l’exploitation et le commerce du thé au Tonkin. Paris, E. Leroux, 1892.