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Néanmoins, le rapprochement entre les statistiques précises de 1872 et celles de 1892 prouve que le progrès de ces institutions dans cette période de vingt années a été beaucoup plus lent que pendant le quart de siècle antérieur. En 1872, en effet, le nombre des membres des banques du type de Scluilze ayant communiqué leurs comptes était de 372000 ; en 1892 le nombre des membres est de 514000, chiffre encore assez limité et qui n’indique qu’un gain de 142000 membres en vingt années. Le capital propre accru des réserves a passé de 79 millions de francs (21373000 thalers) à 178 millions de francs, ce qui ne constitue qu’un accroissement de 5 millions par année. Le capital emprunté montait à environ 288 millions de francs (77188000 thalers) en 1872 : il n’a pas tout à fait doublé, étant de 550 millions de francs en 1892. L’ensemble des avances faites et prorogations atteignait 1350 millions de francs en 1872 ; il s’élève à 1950 millions de francs en 1892 sur un total d’opérations[1] de 3260 millions, comme on l’a vu plus haut.

L’œuvre est certainement grande : une somme de 2 milliards de francs prêtée à de petites gens, non pas, il est vrai, 2 milliards de francs simultanément, mais 1 250 millions. 1015301917 marks[2] qui se renouvellent dans l’année de manière à former ce chiffre de 2 milliards de francs ; le montant des comptes-débiteurs, c’est-à-dire des emprunteurs, atteint 1508424 pour une moyenne de 810 francs environ chaque (647 marks). Le mouvement de croissance, toutefois, paraît être arrivé à son terme. Il y a même un recul, sur plusieurs points, en 1892 relativement à 1891. La classe d’hommes susceptibles de se rattacher à ces institutions et d’en bénéficier semble avoir été tout entière recrutée depuis un certain nombre d’années ; il se peut que l’éducation y amène de nouvelles couches ; mais c’est conjectural. On attribue l’amoindrissement récent du nombre des associations, de celui des membres et de l’importance des a flaires, à une loi de 1889 qui réglementa d’une manière sévère ces sociétés, et qui, fort abusivement, leur interdit les prêts aux personnes non affiliées[3].

  1. Ces chiffres comparatifs résultent du rapprochement du tableau publié à la page 341 de l’ouvrage de M. Rampal pour 1872 et des données recueillies par M. Wolff pour 1892.
  2. Ce chiffre est extrait des données de M. Wolff, People’s Banks, page 64. On peut se demander comment des institutions de crédit ne disposant en capital ou argent emprunté que de 728 millions de francs peuvent avoir à la fin de l’exercice une créance de 1 250 millions : c’est que sans doute elles se sont procuré un supplément de fonds en créant elles-mêmes des traites pour leur compte personnel.
  3. La loi de 1889, qui a réorganisé les sociétés coopératives en Allemagne, leur donne le choix entre la solidarité illimitée et la solidarité limitée. D’après le Jahresbericht (compte rendu annuel) de 1892, 4019 banques populaires ont opté pour la solidarité illimitée, et 232 seulement pour la solidarité restreinte ; le choix de quelques centaines de ces banques parait être resté inconnu. Il s’est trouvé, d’autre part, 1964 sociétés de production, 500 de consommation et 17 de construction pour la responsabilité illimitée, tandis que le principe opposé ralliait 331 sociétés de production, 474 de consommation et 98 de construction.