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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 120.djvu/553

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Cinq ans seulement après la première, on 1854, Raiffeisen fonda la seconde banque, alors qu’il changeait de district comme bourgmestre ; en 1862, il établit la troisième ; puis, en 1868, la quatrième. Les banques de Schulze-Delitzsch foisonnaient à cette époque et étaient en pleine prospérité. Ce ne fut qu’en 1874 que les banques Raiffeisen atteignirent quelque notoriété au loin, et en 1880 qu’elles se multiplièrent d’une façon sensible. Depuis lors, elles se répandirent avec une rapidité qui compensa la lenteur de leurs débuts. En 1885 elles étaient au nombre de 245 on Allemagne, de 610 en 1889, de 885 on 1891. Un de leurs panégyristes, M. Wolff, après avoir mentionné cette progression, écrit : « Les gouvernemens maintenant les encouragent, les diètes provinciales les réclament, les prêtres et les ministres les couvrent de bénédictions, les paysans les aiment. » L’auteur suppute qu’à l’heure présente on compte plus de mille de ces banques dans la seule Allemagne, qu’il ne se passe pas de jour où il ne s’en fonde une, deux et jusqu’à cinq. Après quarante-trois ans d’expérience, ajoute-t-il, ce qui est peut-être moins prouvé, elles peuvent se vanter de n’avoir fait perdre un liard ni à un membre ni à un créancier.

Le but strict de ces institutions est de venir au secours des cultivateurs pauvres, de leur permettre d’acheter du fumier, des semences, du fourrage, parfois même du bétail, de construire une grange, de foncer un puits, de drainer un champ. À ces emprunteurs il ne faut demander aucune souscription d’action, car ils manquent déjà de fonds de roulement, et il convient de leur faire de longs crédits : un an, parfois deux, cinq ou dix ans[1].

L’association doit être limitée à un district particulier, une paroisse si elle est assez peuplée (car une banque doit toujours avoir dans son rayon au moins 400 habitans, d’après Raiffeisen), sinon deux ou trois paroisses. Dans ces étroites limites territoriales, les membres sont admis avec grand soin et discernement par ceux qui ont déjà formé le premier noyau. Le but n’est pas d’avoir le plus de membres possible : il faut au contraire rejeter sévèrement tout postulant qui est impropre. Aucune distinction n’est faite entre le riche et le pauvre, sinon que les riches, supportant la plus grande part de la responsabilité solidaire, sont, d’un consentement tacite, admis à prendre la part principale dans l’administration. Le comité de direction se compose toujours de cinq membres, et le conseil de surveillance, suivant le cas, de six à neuf ; ce dernier se réunit au moins une fois par mois. Dans l’un et l’autre cas, dit M. Wolff, « il est entendu que les membres les plus riches (sans une certaine quantité desquels M. Raiffeisen

  1. Wolff, People’s Banks, page 71.