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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 120.djvu/588

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Le fleuve Pinson serait ainsi le Tarim, dans le bassin duquel sont bien les mystérieux gisemens non seulement d’onyx, mais aussi de jade, de pierre de lune et de pierre de corne, trois minéraux qui ne se rencontrent guère que là, et qui encore aujourd’hui sont considérés, dans tout l’Orient, comme ayant des vertus cabalistiques et une valeur considérable. Il est curieux vraiment de constater à quel point tous les détails du texte sacré sont continués par les plus récentes découvertes des explorations modernes.

Tout concorde, — à part les délices du lieu, — même les mines d’or : ce sont celles de l’Altyn-Tagh, retrouvées il y a trois ans seulement par Groumbtchevsky et par le colonel Pievtzoff, et dont j’ai eu l’occasion de rapporter moi-même des pépites.

Et c’est ici que paraît bien la grande simplicité du rédacteur ancien, quand, il écrit : « L’or de ce pays est très bon. » Quelle admirable naïveté ! Comme on se sent transporté aux temps heureux de l’enfance des peuples, à un temps antérieur même à celui de Ruth et de Booz, dont l’histoire est si simple et si grande, sans taches d’or ni d’argent ! Aujourd’hui les lois de l’univers ont changé : l’or est toujours bon d’où qu’il vienne. Les gouvernails des jeunes républiques du Nouveau Monde. — nous ne parlons pas de leurs aînées de l’Ancien, — se chargeraient de l’apprendre à l’écrivain hébreu contemporain de Moïse, si sottement naïf, et dont les descendans ont d’ailleurs progressé, eux aussi, car ils ont été nos maîtres. D’aucuns disent même qu’ils le sont encore.


III

Cette esquisse de la géographie physique d’un pays peu connu et récemment découvert nous conduit à parler de la question politique du Pamir, car il y a maintenant, avons-nous dit, une question du Pamir, de même que depuis tantôt un siècle il y a une question d’Orient, une question égyptienne et quelques autres questions baptisées de noms spéciaux, qui occupent les cabinets d’Europe et qui semblent d’autant plus insolubles que ceux-ci les ont étudiées davantage. Il faut espérer, dans l’intérêt de la paix européenne, que cette nouvelle question plus jeune, malgré toutes les difficultés naturelles qui hérissent le pays, et malgré le voisinage immédiat de la Chine, ne donnera pas lieu à toutes les chinoiseries qui caractérisent les problèmes diplomatiques dont le siège est, par rapport à l’Europe, du côté de l’Orient. Le problème actuel n’est rien moins en somme que celui du partage du grand continent asiatique, que Russes, Anglais et Chinois ont entamé