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célèbre, qu’au désordre financier et à l’imprudence des derniers ministères allaient succéder l’ordre et la sagesse, et qu’il se faisait fort de rendre au budget son équilibre et son élasticité, sans établir aucun impôt nouveau et sans augmenter aucun des anciens. Après quelques mois d’expérience il a dû changer de langage. Dans un banquet qui avait lieu à Dronero, le 18 octobre dernier, M. Giolitti, faisant la synthèse de l’histoire parlementaire des derniers temps, a confessé que « la cause principale de la crise actuelle est la mauvaise politique financière, qui a entrepris, a-t-il dit, des dépenses excédant de beaucoup nos ressources, et en grande partie improductives, en nous procurant des capitaux par d’énormes dettes, contractées spécialement à l’étranger. »

Ces « dépenses improductives, » chacun sait en quoi elles consistent et par quoi elles sont motivées. La politique étrangère de l’Italie lui coûte trop cher encore, malgré les économies déjà faites dans le budget de la guerre. Elle a d’autres inconvéniens que de la pousser à « mettre sa maison sens dessus dessous », comme le comte Tornielli insinuait à Londres, dans un toast récent, que la Fiance l’avait dû faire, pour la réception des marins russes ; elle l’oblige à vendre les meubles. La crise prendra fin le jour où l’Italie comprendra qu’elle n’a besoin de personne, qu’elle n’a pas plus à s’attacher à l’Autriche, ni à se lier aux intérêts de l’Europe centrale, qu’à se jeter dans les bras de la France ou de l’Angleterre.

Mais nos voisins se font un point d’honneur de persister dans la voie où ils se sont engagés, et si le nouveau ministère, dont la direction appartiendra à M. Zanardelli, le président actuel de la Chambre, ne peut, comme on l’annonce, se passer du concours parlementaire de M. Crispi, l’orientation des affaires extérieures n’est pas près de se modifier à Rome. Cependant un changement de personnes n’apportera, que je sache, aucun changement au budget. Le rétablissement de l’affidavit pour les rentes, l’obligation du paiement en or des droits de douane, n’auront pour effet que d’augmenter encore le taux du change. Reste l’impôt progressif sur le revenu : médiocre panacée. L’imagination de M. Giolitti n’avait enfanté rien de mieux : nous allons voir ce que trouveront ses successeurs. Une autre solution avait été proposée par M. di Rudini : réduire les cadres, avoir une armée moins nombreuse ; d’autant plus que, comme l’ancien ministre lui-même l’avoue, « l’organisation militaire, faute de moyens, déchoit lentement. »

Tandis que les ministres tombaient, à vingt-quatre heures d’intervalle, quoique d’une façon bien différente, à Paris et à Rome, le cabinet espagnol semblait aussi à la veille de se dissoudre. Ce n’était pas de trop sacrifier aux exigences militaires que l’on reprochait à M. Sagasta et à ses collègues ; au contraire, l’opinion publique de Madrid leur faisait un crime d’être trop pacifiques, et de ne pas poursuivre assez