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entraînent parfois la résiliation des marchés ; ils font peser sur la mine une mauvaise réputation et peuvent amener sa ruine. On comprend que les compagnies se montrent très sévères dans ce contrôle. Si elles n’avaient en main ni le droit d’infliger des amendes ni le droit de confiscation, elles devraient bien vite congédier les ouvriers qui lui font remonter des pierres au lieu de charbon.

Il est aisé de voir maintenant comment s’opère la distribution des salaires de la tâche. Quand à la fin de la quinzaine le chef de l’équipe a louché sa masse et qu’il en a distrait le salaire fixe du hercheur et de l’apprenti, il partage ce qui reste avec ses ouvriers, également ou suivant les conditions consenties.

La berline qui contient cinq hectolitres, comme nous l’avons dit, ne peut être payée un prix absolument fixe pour toute la fosse ; nous en avons exposé les raisons. Afin que l’ouvrier favorisé d’un bon lot n’écrase pas l’ouvrier mal partagé ; par son gain exagéré qui ferait monter la moyenne pour les uns et la ferait diminuer pour les autres, le porion modère l’activité du premier et s’efforce de donner au second des compensations. Malgré ces précautions, les salaires ne sont pas égaux entre les ouvriers à la veine. Si le plus grand nombre ne dépasse guère le chiffre de 6 fr. 76 par jour, il en est à notre connaissance qui atteignent jusqu’à 10 francs. À Anzin beaucoup d’ouvriers touchent 9 francs par jour ; ajoutez-y le médecin gratuit, le chauffage gratuit, l’avantage essentiel que lui assurent les Sociétés coopératives où il s’alimente à prix réduits, la maison dont le loyer dépasse rarement de 30 à 60 francs par an, et la pension qui l’attend s’il est un ouvrier fidèle. Anzin est un modèle dans le Nord comme Lens en est un dans le Pas-de-Calais, mais presque toutes les compagnies suivent leur exemple, plusieurs même ont supprimé les retenues pour la caisse des pensions, Bruay entre autres ; la dotation en est prélevée sur les bénéfices. Dans les autres charbonnages, elle est alimentée par le produit des amendes. Quand on veut dégager la somme payée par quinzaine à l’ouvrier de la veine, chef d’équipe, il faut prendre le prix de la berline, le multiplier par le nombre de berlines remontées et reçues au jour, et multiplier ce chiffre par le nombre de journées de travail. On voit que cette opération ne peut être sérieusement faite que sur place et que tous les calculs auxquels nous pourrions nous livrer seraient vains. Cependant si nous prenons les chiffres fournis par le journal de Lille, le Réveil du Nord, qui passe pour être l’organe des Syndicats, et qui défend d’ailleurs très vivement leur cause, nous rencontrons les assertions suivantes : dans une des concessions du Pas-de-Calais « le prix moyen de la berline serait de 28 centimes ; une bande de cinq ouvriers produit en moyenne 32 berlines par jour » ; ce qui donnerait, pour